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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/375

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fils osa braver le redoutable Achille, Achille soutenu des dieux et de sa force invincible. C’en était fait d’Énée, si, le couvrant d’un nuage épais, je n’eusse dérobé sa tête au trépas. Et pourtant je brûlais alors d’ensevelir sous leurs ruines les murailles du parjure Ilion, ces murailles bâties par mes mains. Mon amour veille encore pour vous, Déesse : bannissez les alarmes. Énée, selon vos désirs, abordera sans dangers au port de l’Averne. Un seul homme, disparu dans l’abîme, lui coûtera de vains regrets : un seul sera victime pour le salut de tous. »

Ces paroles consolantes ont adouci les déplaisirs de Cythérée. Aussitôt l’époux d’Amphitrite attelle ses coursiers à son char brillant d’or ; il soumet au frein leur bouche écumante ; et sa main, secondant leur fougue, leur abandonne les rênes vagabondes. Le char azuré effleure d’un vol rapide la surface des eaux : les vagues s’abaissent : l’onde respectueuse aplanit sous l’essieu grondant ses liquides montagnes, et l’Olympe épuré voit fuir les nuages. Autour du dieu s’empresse le peuple varié des mers : on aperçoit à sa droite les immenses baleines, et le cortége du vieux Glaucus, et Palémon, fils d’Ino, et les agiles Tritons, et la troupe entière de Phorcus. À sa gauche, folâtre le chœur des Néréides : c’est Thétis, et Melite, et la chaste Panopée ; c’est Nésée, Spio, Cymodocée, Thalie, doux ornemens de sa brillante cour.

Enée sourit à ce calme enchanteur ; et son âme, enfin plus tranquille, s’ouvre au charme de l’espérance. Il ordonne qu’à l’instant tous les mâts soient dressés, qu’à l’instant la vergue aux longs bras déploie de tous côtés ses voiles. Soudain les cordages