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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/393

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des hasards non vulgaires ; apprends ce que le ciel prescrit d’abord à ta sagesse. Dans l’épaisseur d’un arbre touffu se cache un rameau mystérieux, dont la tige d’or s’incline sous le poids d’un feuillage d’or : c’est l’offrande consacrée à la Junon des enfers. Le vaste ombrage des bois le cache aux rayons du soleil, et l’obscurité d’un vallon tortueux en écarte les regards profanes. Nul ne peut percer la nuit des voûtes souterraines, qu’il n’ait détaché du tronc la branche précieuse. C’est le présent qu’on doit offrir à la belle Proserpine : elle en exige le tribut. Au rameau d’or cueilli succède un nouveau rameau d’or ; et l’immortel métal renaît toujours paré de sa brillante chevelure. Cours donc ; promène au loin ta vue à travers les bocages. Dès qu’il aura frappé tes yeux, approche avec respect : souple et docile au moindre effort, il suivra ta main fortunée, si les destins t’appellent ; sont-ils contraires, la force est inutile, et le fer mollirait lui même sur l’écorce rebelle. C’est peu. Privé du jour en ton absence, un de tes serviteurs gît abandonné sur la plage. Tu l’ignores, hélas ! et cependant ses restes sans sépulture souillent ta flotte consternée, tandis qu’on te voit à nos portes, interrogeant les dieux, attendre en suspens leurs réponses. Avant tout, rends un mort à son dernier asyle ; et que ses cendres, par tes soins, reposent dans la tombe. Mène ensuite aux autels de lugubres victimes : leur sang doit un sacrifice expiatoire aux enfers. Alors seulement tu pourras affronter les gouffres du Styx, et ces pâles royaumes inaccessibles aux vivans. » Elle dit, et sa bouche se refuse à de plus longs discours.