Aller au contenu

Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un sort qu’elle n’a pas mérité, le fils d’Anchise la suit au loin des yeux, et l’accompagne de ses larmes.

De là, reprenant sa route, il arrive aux campagnes plus reculées dont les guerriers fameux habitent la demeure écartée. Là, Tydée se présente à lui ; là, s’offrent à sa vue et le fougueux Adraste, et le vaillant Parthénopée. Là sont tant de valeureux défenseurs de Troie, tombés dans les batailles, et dont le trépas fit couler jadis tant de pleurs. Parmi cette foule de victimes que la mort étale à ses yeux, il compte en gémissant et Glaucus, et Thersiloque, et Médon ; il compte les trois fils d’Anténor, et Polyphète, consacré jadis à Cérès, et le généreux Idée, qui pousse encore des chars, qui tient encore des armes. Accourues au-devant d’Énée, toutes ces Ombres amies l’environnent à la fois. C’est peu de l’avoir vu, elles se plaisent à le voir encore ; elles s’arrêtent, elles marchent avec lui ; elles veulent apprendre quelle cause lui fait visiter les enfers. Mais à l’approche du héros, à l’éclat de son glaive qui brille dans les ténèbres, l’épouvante a saisi les chefs de la Grèce et les phalanges d’Agamemnon. Les uns fuient éperdus, tels qu’on les vit autrefois regagner leurs vaisseaux ; les autres jettent un cri faible et douteux, qui expire aussitôt dans leur bouche béante.

Tout à coup paraît Déiphobe, misérable enfant des rois, et dont le corps, affreux spectacle ! n’est plus qu’une horrible plaie. D’indignes blessures ont mutilé ses mains, ont lacéré son visage. Ses tempes dépouillées n’ont plus l’organe de l’ouïe ; et ses lèvres déchirées, et ses narines sanglantes, attestent les fureurs qui les