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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/429

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nous passons les heures à gémir. Ici la route se partage : à droite, est le palais du monarque des Enfers, et, non loin, l’heureux Élysée. À gauche, c’est l’impitoyable Tartare, lieu de supplices, et séjour des méchans. » Alors Déiphobé : « Calmez-vous, vierge sacrée ! je pars, je rentre dans les ténèbres ; la nuit va ressaisir sa proie. Adieu, prince, honneur de Pergame ! adieu ; puissent te sourire de meilleures destinées ! » Il dit, et se replonge au sein des ombres.

Énée regarde ; et sous des roches lugubres qui dominent sa gauche, il découvre une vaste prison, qu’un triple mur environne de sa triple épaisseur ! À l’entour, un fleuve de feu, le rapide Phlégéthon, court en torrent de flammes, et roule avec fracas des rocs déracinés. En face est la porte immense, l’inébranlable porte, que soutiennent des colonnes d’un diamant massif, et dont tous les mortels ensemble, dont les dieux mêmes et leurs efforts ne pourraient briser la barrière. Derrière s’élève une tour d’airain qui semble menacer les deux. Tisiphone y siége, couverte d’une robe ensanglantée : l’œil inaccessible au sommeil, elle garde nuit et jour l’entrée de ces noirs cachots. De là se font entendre de longs gémissemens ; là résonnent le sifflement des fouets, et le cliquetis des chaînes, et le bruit des fers que traînent les coupables. Le héros s’arrête : il écoute, il frémit : « Quels forfaits, ô chaste prêtresse, punit-on dans ces lieux ? À quels tourmens l’enfer livre-t-il ses victimes ? D’où partent ces cris douloureux dont les airs retentissent ? » « Généreux chef des Troyens,