Aller au contenu

Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les murs toscans. Les mères tremblantes redoublent leurs vœux : l’approche du danger augmente leur effroi ; et déjà le démon du meurtre leur apparaît sous sa plus noire image. Au moment de quitter son fils, Évandre ému le serre long-temps contre son cœur, l’arrose d’un torrent de larmes, et dit en gémissant : « Oh ! si Jupiter me rendait mes premières années ! si j’étais encore à cet âge où Préneste, au pied de ses tours, me vit coucher dans la poudre ses plus orgueilleux défenseurs, et livrer aux flammes, après la victoire, les monceaux de leurs boucliers ! Mon bras alors précipita leur roi, le farouche Hérilus, dans les abîmes du Tartare. Trois âmes, affreux prodige ! trois âmes, don merveilleux de Féronie, sa mère, faisaient mouvoir cet horrible colosse : une triple armure le protégeait dans les batailles : une triple mort en pouvait seule trancher la vie. Et cependant cette main, par trois fois triomphante, ravit au monstre étouffé sa triple âme et ses trois armures. Non, si le temps jaloux ne m’eût enlevé ma vigueur, je ne me verrais point, hélas ! arraché maintenant à tes douces caresses, ô mon fils ! et jamais, odieux voisin, Mézence, insultant à mes cheveux blanchis, n’eût promené sur tant de têtes le glaive du trépas, n’eût rendu veuve de tant de citoyens sa ville infortunée. Ô vous, dieux que j’implore ! et toi, puissant maître des dieux, ô Jupiter ! ayez, de grâce, ayez pitié d’un monarque et d’un père ; écoutez sa voix suppliante. Si vos arrêts, si les destins conservent Pallas à ma tendresse ; si je dois vivre pour le revoir, pour