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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/143

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valeur, la couronne rostrale étincelle sur son front glorieux. Vis-à-vis, c’est Antoine soutenu de ses légions barbares, foule innombrable et bigarrée d’armures différentes. Vainqueur des contrées de l’Aurore et des rivages de la mer Rouge, il mène avec lui les noirs enfans du Nil, et les forces de l’Orient, et les hordes semées sur les bords lointains de l’Oxus. Ô crime ! ô honte ! à sa suite vogue une épouse égyptienne.

Tout s’élance à la fois ; et sous le tranchant des rames, sous la triple dent des éperons, s’enfle, bondit, retombe un océan d’écume. Le bord a fui, la charge sonne : on croit voir, sur le gouffre humide, se heurter les Cyclades arrachées de leurs fondemens, ou les monts gigantesques courir contre les monts ; avec tant de fracas s’abordent les énormes galères, montées de tours et de soldats. De toutes parts volent et la flamme dévorante, et les traits, et le fer ailé : les champs de Neptune rougissent d’un carnage inconnu. Cependant la reine, sur ses brillans navires, anime, aux sons d’un sistre d’or, ses troupes basanées… Malheureuse ! elle n’aperçoit pas derrière elle deux serpens qui l’attendent. Cent divinités monstrueuses, à leur tête l’aboyant Anubis, osent défier Vénus, et Minerve, et Neptune : déjà se lève leur dard impie. Mars, hérissé de fer, rugit au sein de la mêlée. Les cruelles Euménides planent autour de lui, secouant leurs vipères. Hideuse, et sa robe en lambeaux, la Discorde insensée court en triomphe de rangs en rangs ; et Bellone la suit, armée d’un fouet ensanglanté.