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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/159

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fleuves aux noirs rivages, aux gouffres bouillonnans de bitume et de feu. Sa tête a fait un signe ; à ce signe redoutable, tout l’Olympe a tremblé.

Le jour promis était venu, les Parques avaient filé les temps prescrits, lorsque l’attentat de Turnus avertit la mère des dieux de soustraire aux flammes ses navires favoris. Tout à coup brille aux yeux une lumière inconnue : parti des portes de l’Aurore, un nuage immense a traversé les cieux ; et les chœurs de l’Ida retentissent dans les airs. Bientôt une voix tonnante, arrivant de la nue, remplit au loin les deux camps d’une égale stupeur : « Arrêtez, enfans d’Ilion ! Cybèle veille sur ses carènes, et sans vous saura les défendre. Turnus embraserait l’humide abîme plutôt que ces bois sacrés. Vous, nefs, soyez libres ; allez, Nymphes des eaux, mêlez-vous à vos sœurs : la mère des dieux l’ordonne. » Et les nefs, de concert, ont, à ces mots, rompu les câbles qui les enchaînaient au rivage ; leur bec s’incline vers les flots ; et, pareille aux légers dauphins, chacune s’est plongée sous les ondes. Puis, ô soudaine métamorphose ! autant de proues d’airain bordaient naguère la molle arène, autant de jeunes divinités remontent à l’humide surface, et nagent, en se jouant, sur la vague argentée.

Les Rutules ont pâli d’effroi ; frappé lui-même de terreur, Messape contient mal ses coursiers éperdus ; et le Tibre, interrompant son cours, rebrousse en grondant vers sa source. Mais l’audacieux Turnus n’a rien perdu de sa confiance. Il insulte à la peur, et ranime ainsi les courages : « C’est aux Phrygiens à