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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/189

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passant l’a blessée, languit, se fane et meurt ; tel, sur sa tige affaissée, le pavot penche appesanti, quand les pluies ont battu sa tête.

À l’instant Nisus se précipite au milieu de la troupe : Volscens est le seul qu’il cherche entre tous ; Volscens est le seul sur lequel il s’acharne. Frémissant autour du héros, la cohorte ennemie le presse de toutes parts d’une forêt de lances : vains efforts ! il l’enfonce, et fait luire partout à la fois son épée foudroyante. Le Rutule pousse un cri : soudain le fer se plonge tout entier dans sa bouche entrouverte ; et Nisus, en mourant, fait mordre la poudre au barbare. Alors, percé de coups, il se jette sur les restes inanimés de son cher Euryale, et, près de lui, s’endort paisiblement du sommeil éternel. Couple heureux ! si mes vers ont quelque puissance, vos noms, vainqueurs du temps, vivront dans la mémoire : ils vivront, tant que la race du fils d’Anchise siégera sur la roche immortelle du Capitole, tant que le sang de Romulus aura l’empire de l’univers.

Les Rutules vainqueurs, et chargés des dépouilles dont la mort fit leur proie, rapportaient au camp leur chef immolé, qu’ils baignaient de larmes. Au camp régnait un deuil égal : on y pleurait et Rhamnés égorgé, et Sarranus, et Numa, et tant d’autres guerriers illustres enveloppés dans le même massacre. Spectacle affreux pour la foule assemblée ! des corps sans vie, des membres palpitans, la terre fumante encore du nocturne carnage, et la plaine arrosée de longs ruisseaux de sang ! On reconnaît, dans le butin