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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/191

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conquis, et le casque brillant de Messape, et ce baudrier d’or qui coûta tant à recouvrer.

Déjà la matinale Aurore, répandant sur la terre sa clarté renaissante, avait quitté la couche vermeille du vieux Tithon : déjà le soleil lançait des feux plus vifs ; et la nature, affranchie des ténèbres, avait repris ses brillantes couleurs. Turnus réveille ses guerriers : « Aux armes ! » s’écrie-t-il ; et lui-même a revêtu ses armes. À l’instant rassemblés, les bataillons étincelans d’airain appellent le carnage ; et la voix des chefs aiguillonne la fureur des soldats. C’est peu : au bout de deux piques sanglantes (déplorable trophée !) sont portées en triomphe les têtes d’Euryale et de Nisus, et des cris barbares applaudissent à ce hideux spectacle. Cependant, accourus en foule sur la gauche de leurs remparts, les infatigables Troyens y déploient un front menaçant : leur droite est bordée par le fleuve. Un mur de soldats protège le revers des larges fossés ; d’autres, debout sur la cime des tours, y gémissent en silence : ils voyaient arborés sous leurs yeux les tristes restes de leurs malheureux compagnons ; ces restes, hélas ! trop connus, et dégouttans d’un sang livide.

Aussitôt, prenant son vol à travers la ville alarmée, l’agile messagère des vérités et du mensonge, la Renommée s’élance, et vient épouvanter l’oreille de la mère d’Euryale. Malheureuse ! un froid subit a glacé tout son sang : les fuseaux échappent de ses doigts, et le lin déroulé tombe de sa main défaillante. Elle se lève éperdue ; et, poussant des cris lamentables, s’arrachant les cheveux, elle vole, hors d’elle-même, au sommet des murailles, à travers les rangs avancés : ni