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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/395

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rapides, frappent à coups redoublés les portes immobiles et leurs barrières impénétrables. Dans cet affreux péril, les mères elles-mêmes (que ne peut l’ardent amour de la patrie !), les mères, dignes émules de Camille, font pleuvoir du haut des remparts les armes que la colère offre à leurs mains tremblantes : au défaut du fer, elles saisissent au hasard des troncs noueux, des brandons fumans, des pieux durcis dans la flamme, et brûlent de mourir les premières pour sauver leurs murailles.

Cependant une rumeur sinistre a fait frémir Turnus dans les défilés qu’il occupe. Acca vient apporter au héros ces accablantes nouvelles : « Les Volsques sont détruits : Camille a mordu la poussière : le vainqueur s’avance en courroux ; et, fier de son triomphe, il sème au loin l’horreur et le carnage : déjà la terreur vole jusqu’aux murs de Laurente. » À ces mots, Turnus en fureur (ainsi l’ordonne l’arrêt sévère du souverain des dieux) descend des hauteurs où campaient ses soldats, et sort de ses âpres forêts. À peine, laissant les bois derrière lui, s’étend-il dans la plaine, qu’Énée, pénétrant à son tour dans les gorges abandonnées, gravit la colline déserte, et franchit l’épaisseur de la forêt. Ainsi ces deux fiers rivaux précipitent leur marche vers les remparts de Latinus : ils y courent suivis de leurs nombreuses cohortes, et ne sont séparés que d’un léger espace. Bientôt Énée a découvert au loin les champs inondés de poussière, a vu les bataillons de Laurente déployés dans la plaine : Turnus, en même