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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/43

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longs hurlemens ; sur leurs épaules flotte la dépouille du lynx, et dans leur main se balance un dard où le pourpre s’enlace. Amate, au milieu d’elles, Amate, en son bouillant courroux, agite une torche ardente, roule des yeux sanglans, et chante, l’insensée ! et sa fille, et Turnus, et leur vain hyménée. Puis tout à coup, d’une voix plus terrible : « Accourez, accourez toutes, ô femmes des Latins ! Si votre pitié s’intéresse aux douleurs d’Amate, si le doux nom de mère parle à vos cœurs sensibles, livrez aux vents vos tresses vagabondes, commençons les orgies sacrées !… »

Ainsi, à travers les forêts, à travers les sombres repaires de leurs hôtes sauvages, Alecton soufflait à la reine la noire frénésie des Bacchantes. Fière d’avoir allumé ces premières fureurs, d’avoir jeté le trouble dans les conseils de Latinus et bouleversé sa cour, la fille de la Nuit déploie ses ailes ténébreuses, et s’élance vers les murs de l’audacieux Rutule ; murs célèbres, que Danaé peupla, dit-on, de ses fidèles Argiens, lorsque l’impétueux Autan l’eut poussée sur ces plages. Nommée jadis Ardée par ses vieux fondateurs, cette ville conserve encore le grand nom d’Ardée ; mais sa gloire n’est plus. Là, sous des lambris magnifiques, Turnus, à l’heure tardive où tout repose, goûtait les douceurs du sommeil. L’affreuse déesse dépouille son horrible figure et ses traits de Furie. Elle se transforme en vieille, courbée sous le poids des ans : des rides ont sillonné sa face décrépite : sa tête s’ombrage de cheveux blancs, et sur le