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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/45

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bandeau qui les couvre l’olivier se tresse en couronne : c’est Chalybé, l’antique prêtresse de Junon, l’austère gardienne de son temple. Telle se présente aux yeux Alecton déguisée.

« Turnus ! dit-elle, tant de travaux seront-ils donc perdus ? Ce sceptre qui t’appartient, souffriras-tu qu’il passe aux transfuges de Pergame ? Un roi parjure te refuse une épouse, te refuse une dot achetée par ton sang ; et c’est un étranger qu’il cherche pour hériter du Latium ! Va maintenant, va, jouet d’un perfide, affronter d’ingrats périls ! fais mordre encore la poussière aux bataillons toscans ! sois encore l’appui des Latins ! Pendant qu’ici tu dors tranquille dans l’ombre de la nuit, la reine des dieux elle-même m’envoie t’avertir du danger. Qu’attends-tu ? lève-toi ; cours armer tes phalanges ; que ton audace leur ouvre la lice des combats. De lâches Phrygiens fouler les rivages du Tibre ! Extermine ces nouveaux Paris ; embrase et leurs camps et leurs flottes : voilà ce que le Ciel t’ordonne, le Ciel, qui n’ordonne pas en vain. Que Latinus lui même, s’il recule encore ton hymen, s’il fausse encore la foi jurée, connaisse enfin Turnus, et pâlisse à tes coups. »

Le guerrier, narguant la prêtresse, insulte à ses conseils par le sarcasme et l’ironie : « Le Tibre a vu, dites-vous, des poupes étrangères ! Vraiment, je l’ignorais encore. Toutefois, trêve à ces cris d’alarmes : Junon, sans vous, protége assez Turnus. Allez, ma mère ; la vieillesse, au cerveau malade, aux folles visions, vous forge des tourmens inutiles,