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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/475

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vengeances ? Le ciel, vous le savez vous-même, le ciel attend le fils d’Anchise ; et les Destins doivent l’élever un jour au rang des Immortels. Que médite encore votre éternel courroux ? et quel charme si puissant vous enchaîne au séjour glacé des orages ? Espériez-vous qu’un mortel triompherait d’un dieu ? Junon devait-elle, par la main de Juturne, rendre à Turnus le glaive soustrait à ses fureurs ? devait-elle ranimer l’audace éteinte des vaincus ? Calmez enfin ce long ressentiment, et que mes prières fléchissent une fois votre rigueur. Nourrirez-vous toujours le noir chagrin qui vous ronge ? et cette bouche gracieuse ne saura-t-elle que m’affliger sans cesse de ses plaintes amères ? L’instant fatal est arrivé. Vous avez pu jusqu’à ce jour soulever contre les Troyens et la terre et les mers, embraser l’Italie des feux de la discorde, plonger dans le deuil une auguste famille, et tremper de larmes les myrtes de l’hyménée : là doit s’arrêter votre haine : je le veux. »

Ainsi parla Jupiter. Ainsi la fille de Saturne répond d’un air soumis : « Maître du monde, dès que j’ai connu vos arrêts immuables, je me suis vaincue moi-même, j’ai quitté sur-le-champ et Turnus et la terre. Épouse moins docile, vous ne me verriez pas à cette heure, triste et seule dans la région des airs, endurer tant d’outrages et dévorer tant d’affronts : environnée de feux vengeurs, je tonnerais au milieu des batailles, j’y dévouerais au carnage les débris de Pergame. J’ai pressé Juturne, il est vrai, de voler au secours de son malheureux frère, et j’ai permis qu’elle fît tout pour lui sauver la vie.