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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/83

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Ainsi le Latium s’émeut. Témoin de ces apprêts sinistres, le noble enfant d’Assaracus rêve abîmé dans de mortels ennuis. Son âme incertaine roule à la fois mille projets contraires, promène de l’un à l’autre sa vague inquiétude, et flotte irrésolue sans pouvoir se fixer. Tels, en un vase d’airain, sur le miroir d’une eau tremblante, se jouent les rayons du soleil ou les pâles clartés de la lune : la lumière, au loin réfléchie, erre et voltige dans tous les sens, tour à tour s’élève et s’abaisse, tour à tour frappe et les plafonds et les lambris.

La nuit régnait, et tout ce qui respire sur la terre, au sein de l’onde, au haut des airs, goûtait dans un sommeil profond l’oubli des travaux et des peines. Assis sur le rivage, seul, et n’ayant pour toit que la voûte des cieux, Énée lui-même, Énée qu’assiègent tant de sombres images, ferme enfin la paupière, et cède en soupirant aux charmes du repos. Cependant le dieu de ces bords, le Tibre aux ondes fortunées, lève à travers le feuillage des peupliers voisins sa tête majestueuse, et, sous la forme d’un vieillard vénérable, apparaît en songe au héros. Un lin diaphane l’entoure de ses plis azurés, et son humide chevelure est ombragée d’une couronne de roseaux. Il parle ; et sa voit consolante calme ainsi de justes alarmes.

« Fils d’une déesse ! ô toi qui nous ramènes Ilion sorti de ses ruines, et par qui Pergame ressuscite immortelle ! toi qu’attendaient Laurente et les champs de Saturne ! voici ta demeure promise, voici la terre où se doivent fixer tes dieux. Remplis ta destinée. Que l’appareil menaçant de la guerre n’étonne