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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/9

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d’horribles ours, frémir de rage dans leurs obscures prisons, et des loups énormes épouvanter les airs de leurs longs hurlemens. Autrefois hommes, la cruelle déesse les avait, par ses philtres magiques, transformés en monstres divers. Pour dérober les Troyens qu’il aime aux noirs enchantemens dont le port les menace, pour les sauver de ces bords funestes, Neptune enfle leurs voiles d’un souffle officieux, accélère leur vol, et les emporte au-delà de ces routes périlleuses.

Déjà les feux du matin rougissaient l’humide élément ; déjà l’Aurore, sur son char de rose, rayonnait dans les cieux. Tout à coup les vents se taisent, leur haleine expire, et la rame fatigue vainement une onde immobile. Le prince alors, du sommet de sa poupe, découvre une forêt immense. Le Tibre la traverse, fier de ses belles eaux ; et rapide, chargé d’un sable d’or, il court se perdre au sein des mers. À l’entour, mille oiseaux divers, peuple ailé de ces rives, charment les airs par leur ramage, et voltigent à travers le feuillage. Énée parle ; on tourne vers ces rians abris ; l’airain des proues cherche la terre, et la nef s’abandonne gaîment au courant du fleuve.

Maintenant, divine Érato, dis quels monarques, quels intérêts, quelles lois régissaient l’antique Latium, lorsqu’une flotte étrangère apporta pour la première fois ses guerriers sur les rivages de l’Ausonie. Raconte l’origine de leurs premiers combats : c’est à toi, Muse, d’inspirer ton poëte. Je chanterai d’horribles guerres ; je peindrai le choc des bataillons, et le courroux précipitant les rois au milieu du carnage, et l’Étrurie volant aux armes, et l’Hespérie toute entière embrasée des fureurs de Mars. Devant