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Page:Vivien - Les Kitharèdes, 1904.djvu/219

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LES BEAUX CHŒURS

double jouet. Et, levant son voile crépusculaire, l’Amie qui compatissait à sa peine dit lentement :

« Tu es jaloux, Hadès… »

Je ne sais comment ni pourquoi je sentis qu’elle allait mourir dans la fleur indécise de sa jeunesse inviolée. Je compris qu’elle emporterait avec elle le brûlant regret des beaux chœurs de Mytilène, des violettes tissées par Psappha, des nuits allumant les ferventes Pléiades, de la mer illuminée d’écume, de la brise à travers les branches, et de toute la beauté et de tout l’amour… Je compris surtout qu’elle serait suivie jusque dans le lit d’azur nuptial de Perséphona par la hantise de ses chants inachevés… Et, l’âme étreinte d’une grande angoisse et d’une pitié immense, je murmurai à Euneïka :

« Quelle est donc cette vierge prédestinée ? »

Et Euneïka la nomma de son nom immortel : Éranna de Télos…

Mais un silence joignit plus étroitement l’assemblée murmurante des Amies, un silence d’adoration et presque de prière… Car Psappha venait vers elles… Un bandeau de violettes ceignait son front, et ses tresses dénouées ondoyaient ainsi que des vagues nocturnes. De petite taille, elle se tenait debout avec une indicible majesté. Ses yeux étaient mystérieux comme les yeux bleus de la Nuit. Elle paraissait une flamme vivante. Elle était solennelle et terrible en sa grâce, comme l’Aphrodita dont