Aller au contenu

Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tauration sociale, demandait avant tout une idée vraie sur l’homme. Celle des révolutionnaires est connue : ils ne voyaient et ne comprenaient dans l’homme que l’individualité abstraite, un être de raison dépouillé de tout contenu positif.

Je ne me propose pas de dévoiler les contradictions intérieures de cet individualisme révolutionnaire, de montrer comment « l’homme » abstrait se transforma tout à coup en « citoyen » non moins abstrait, comment l’individu libre et souverain se trouva fatalement esclave et victime sans défense de l’État absolu, ou de la « nation », c’est-à-dire d’une bande de personnages obscurs portés par le tourbillon révolutionnaire à la surface de la vie publique et rendus féroces par la conscience de leur nullité intrinsèque. Il serait sans doute très intéressant et très instructif de suivre le fil dialectique qui rattache les principes de 1789 aux faits de 1793. Mais ce qui me paraît encore plus important, c’est de constater que le πρώτον ψεύδος (mensonge primordial) de la Révolution — le principe de l’homme individuel considéré comme un être complet en soi et pour soi — que cette fausse idée de l’individualisme n’avait pas été inventée par les révolutionnaires, ni par leurs pères spirituels, les encyclopédistes, mais qu’elle était la conséquence logique, quoique imprévue, d’une doctrine antérieure pseudo-chré-