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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/185

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qui est aux cieux. C’était donc un acte sui generis que cette profession de Pierre — un acte par lequel l’être moral de l’apôtre est entré dans un rapport particulier avec la Divinité ; et grâce à ce rapport la parole humaine a pu manifester infailliblement la vérité absolue du Verbe et créer une base inébranlable à l’Église Universelle. Et, comme pour enlever toute espèce de doute à ce sujet, le récit inspiré de l’Évangile ne tarde pas à nous montrer ce même Simon, naguère proclamé par Jésus la Pierre de l’Église et le porte-clefs du Royaume céleste, abandonné ensuite à ses propres forces et parlant — d’ailleurs avec les meilleures intentions du monde, mais sans l’assistance divine, — dans l’esprit de sa personnalité naturelle et privée. « Et après cela Jésus commença d’exposer à ses disciples qu’il lui fallait aller à Jérusalem et souffrir beaucoup de la part des anciens et des scribes et des princes des prêtres, être mis à mort, ressusciter le troisième jour. Et Pierre l’ayant pris à part commença de le réfuter en disant : Que cela soit loin de toi, Seigneur, cela ne t’arrivera pas. — Et lui en se retournant dit à Pierre : Va-t’en, Satan, tu es un scandale pour moi, car tu n’entends pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes. » (Év. Math., XVI, 21-23.)

Ira-t-on, avec nos polémistes gréco-russes, opposer ce texte à celui qui précède pour détruire les paroles du Christ les unes par les autres ? Faut-il croire que la vérité incarnée ait si vite changé