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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/217

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lement régénérer, spiritualiser, sanctifier cette forme sociale en substituant au principe de la mort, à la violence et à la fraude, le principe éternel de la Grâce et de la Vérité. Au lieu d’un chef de soldats qui, dans l’esprit du mensonge, se reconnaissait pour dieu, il a fallu placer le chef des croyants qui, selon l’esprit de vérité, a reconnu et confessé dans son Maître — le Fils du Dieu vivant ; au lieu d’un despote furieux qui aurait voulu faire du genre humain asservi sa victime sanglante, il a fallu élever le ministre aimant d’un Dieu qui a versé son sang pour l’humanité.

Dans les confins de la Césarée et sur les bords du lac de Tibérias Jésus détrôna César — non pas le César du denier, ni le César chrétien de l’avenir, mais le César de l’apothéose, le César — souverain unique, absolu et autonome de l’univers, centre d’unité suprême pour le genre humain. Il l’a détrôné puisqu’il a créé un nouvel et meilleur centre d’unité, un nouvel et meilleur pouvoir souverain fondé sur la foi et l’amour, la vérité et la grâce. Et, tout en détrônant l’absolutisme faux et impie des Césars païens, Jésus confirma et éternisa la monarchie universelle de Rome en lui donnant sa vraie base théocratique. Ce ne fut dans un certain sens qu’un changement de dynastie ; la dynastie de Jules César, pontife suprême et dieu, fut remplacée par la dynastie de Simon Pierre, pontife suprême et serviteur des serviteurs de Dieu.