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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/299

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actu, mais s’est trouvée de toute éternité soumise et réduite à l’unité absolue sous ses trois modes indivisibles : unité de l’être simple ou en soi dans le Père — unité de l’être activement manifesté dans le Fils qui est l’action immédiate, l’image et le Verbe du Père — enfin unité de l’être pénétré d’une jouissance complète de soi-même dans l’Esprit-Saint qui est le cœur commun du Père et du Fils.

Mais si l’état éternellement actuel de la substance absolue (en Dieu) est d’être tout dans l’unité, son état potentiel (en dehors de Dieu) est d’être tout dans la division. C’est la pluralité indéterminée et anarchique, le chaos ou τὸ ἄπειρον des Grecs, die schlechte Unendlichkeit des Allemands, le tohou-va-bohou de la Bible. Cette antithèse de l’Être Divin est de toute éternité supprimée, réduite à l’état de pure possibilité par le fait même, par l’acte premier de l’existence divine. La substance absolue et universelle appartient de fait à Dieu, Il est éternellement et primordialement tout dans l’unité : Il est, et cela suffit pour que le chaos n’existe pas. Mais cela ne suffit pas à Dieu Lui-même qui est non seulement l’Être, mais l’Être parfait. Il ne suffit pas d’affirmer que Dieu est, il faut pouvoir dire pourquoi Il est. Subsister primordialement, supprimer le chaos et contenir tout dans l’unité par l’acte de sa Toute-Puissance — c’est là le fait divin qui demande sa raison. Dieu ne peut pas se contenter d’être de fait plus fort que le chaos, Il doit l’être