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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/309

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vers de la totalité divine, l’âme du monde elle-même est l’opposé ou l’antitype de la Sagesse essentielle de Dieu. Cette âme du monde est une créature, et la première de toutes les créatures, la materia prima et le vrai substratum de notre monde créé. En effet, puisque rien ne peut subsister réellement et objectivement en dehors de Dieu, le monde extra-divin ne peut être, comme nous l’avons dit, que le monde divin subjectivement transposé et renversé : il n’est qu’un faux aspect ou une représentation illusoire de la totalité divine. Mais, pour cette existence illusoire elle-même, il faut encore qu’il y ait un sujet qui se mette à un faux point de vue et produise en soi l’image défigurée de la vérité. Ce sujet ne pouvant pas être ni Dieu, ni sa Sagesse essentielle, il faut admettre, comme principe de la création proprement dite, un sujet distinct, une âme du monde. Comme créature, elle n’existe pas éternellement en elle-même, mais elle existe de toute éternité en Dieu à l’état de puissance pure, comme base cachée de la Sagesse éternelle. Cette Mère possible et future du monde extra-divin correspond, comme complètement idéal, au Père éternellement actuel de la Divinité.

En sa qualité de puissance pure et indéterminée, l’âme du monde a un caractère double et variable (ή αόριστος δυάς) : elle peut vouloir exister pour soi, en dehors de Dieu, elle peut se mettre au point de vue faux de l’existence chaotique et anar-