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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/343

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le monde inférieur, la terre, privée de son centre d’unité et d’action serait retombée dans le triste état de tohou va bohou où elle était avant la création. Et il n’y aurait personne alors pour faire la joie et les délices de la Sagesse éternelle.

Si donc notre assujettissement aux conditions du monde matériel est une conséquence de la chute et une peine du péché, nous voyons que cette peine est un bienfait et que cette conséquence nécessaire du mal est un moyen nécessaire du bien absolu.

Comme la terre chaotique n’a pu se soustraire à l’action cosmogonique du Verbe, qui la transforma en un monde équilibré, illuminé et vivant, de même le chaos humain, créé par la chute de l’Eden, dut être soumis à l’opération théogonique du même Verbe, qui tend à le régénérer en une humanité spirituelle réellement unifiée, éclairée par la vérité divine, et vivante de la vie éternelle. La forme de l’Homme-Messie, rejetée par le premier Adam, ne fut pas anéantie dans l’humanité naturelle, mais seulement réduite à l’état de puissance latente ; elle y resta comme un germe vivant — semen mulieris (id est Sophiæ) se réalisant partiellement et progressivement pour s’incarner enfin dans le second Adam. Ce processus théogonique, la création de l’Homme trinitaire, de l’Homme-Messie ou de l’Homme-Dieu, par lequel la Sagesse divine s’incarne dans la totalité de l’univers — ce processus