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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/402

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par la grâce de Dieu exercer le pouvoir souverain à l’égal du Pape et de l’Empereur[1]. »

Est-ce la faute du christianisme si ce droit suprême qu’il offre à tout le monde est vendu par la masse humaine à Satan pour un plat de lentilles ?

L’égalité de dignité souveraine, qui appartient de droit à chaque chrétien, n’est pas l’égalité de l’indifférence. Tous ont une importance égale, chacun a un prix infini aux yeux de tous ; mais tous n’ont pas la même fonction. L’unité du peuple chrétien, basée sur la paternité divino-humaine, est l’unité d’une famille idéale. L’égalité morale parfaite entre les membres d’une telle famille n’empêche pas les fils de reconnaître pieusement la primauté et l’autorité du père commun, ni de se distinguer entre eux par des vocations et des caractères différents. L’égalité véritable et positive, ainsi que la vraie liberté, se manifeste et se réalise dans la solidarité ou la fraternité, qui fait que plusieurs deviennent comme un seul. Le baptême de la liberté et la confirmation de l’égalité sont couronnés par le grand sacrement de la communion, accomplissement de la prière du Christ : « qu’ils soient tous un comme Je

  1. Il va sans dire que le ministère prophétique dont l’exercice est déterminé uniquement par des conditions intérieures et purement spirituelles ne peut avoir aucun caractère extérieurement obligatoire. Représentant dans la société humaine l’idéal absolu, le prophète chrétien serait inconséquent et infidèle à sa mission s’il agissait par des moyens qui ne sont propres qu’à un état social imparfait.