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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/99

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tance historique, on peut affirmer sans crainte d’erreur que la raison d’être permanente de ce schisme national est l’insuffisance manifeste du gouvernement ecclésiastique russe unie à des prétentions exorbitantes. Soumise sans réserves au pouvoir séculier et privée de toute force intérieure, cette Église, « établie » par le tzar, n’en abuse pas moins du principe hiérarchique en s’arrogeant sur le peuple une autorité absolue qui n’appartient de droit qu’à l’Église Universelle et indépendante fondée par le Christ. L’inanité de ces prétentions, plutôt sentie que reconnue, a poussé un parti de nos dissidents à des tentatives infructueuses pour constituer une Église orthodoxe russe indépendante de l’État, tandis qu’un autre parti plus nombreux a tout simplement proclamé que la vraie Église a complètement disparu du monde depuis 1666 et que nous vivons sous le règne spirituel de l’antéchrist résidant à SaintPétersbourg. On voit la raison pour laquelle les partisans de « l’idée russe » se gardent bien de fouiller le rasskol et d’y chercher cette idée énigmatique. Une doctrine qui proclame que la monarchie et l’Église russes se trouvent sous l’empire absolu de l’antéchrist, et qui remet à la fin du monde tout espoir d’un meilleur état de choses, cette doctrine est évidemment peu favorable à un patriotisme outré qui représente la Russie telle qu’elle est, comme le second Israël, le peuple élu de l’avenir. Néanmoins, il n’est pas sans