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Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/207

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de ses secrets et de son passé. Comme toutes ses pareilles, elle avait ses jours et ses caprices : tantôt tendre et gaie, abandonnée avec des caresses d’attitude charmantes ; tantôt gisante sur le divan, flasque, éteinte, morte, l’âme envolée. Suivant son humeur, je me couchais triste ou joyeux ; et bien souvent, la nuit, dans mes rêves, je revoyais la bizarre créature errant à mon chevet, m’effleurant de son duvet d’or bruni, me disant jusqu’à l’aube des chansons et des folies.

Le 15 octobre, nous eûmes à Bukova la première gelée d’hiver. Je vis en m’éveillant le mélancolique horizon de nos champs tout blême sous son premier drap blanc. Je devais aller ce matin-là régler une coupe de bois à une assez grande distance. Ivan m’apporta triomphalement un grossier manteau de paysan, en jurant qu’il faisait grand froid.