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HISTOIRE POSTHUME

M. l’abbé Gaultier, confesseur de M. de Voltaire, donna aussi une espèce de certificat de confession. Après quoi ces deux prêtres se retirèrent. Ceci se passa entre six et sept heures du soir. M. de Voltaire appela quelque temps après un de ses domestiques, lui prit la main, lui dit adieu, et ajouta d’une voix très-distincte : Prenez-soin de maman (c’est ainsi qu’il appelait Mme Denis, sa nièce). Ce sont les derniers mots qu’il ait prononcés. Il mourut ce jour même à dix heures trois quarts du soir, au milieu des pleurs et des regrets sincères de ses parents et de ses amis. Sa porte était investie d’une foule de peuple, de bourgeois et de gens de qualité qui envoyaient sans cesse ou venaient eux-mêmes s’informer de sa santé, les uns par curiosité, les autres par intérêt. Plusieurs heures après qu’il eut rendu le dernier soupir, on le fit ouvrir, afin de l’embaumer. On lui trouva toutes les parties fort saines, à l’exception d’un peu de pus dans le vésicule du fiel et de la vessie qui, dans toute son étendue, était remplie de pus. L’estomac se trouva aussi paralysé. Cet accident avait été causé par la grande quantité d’opium qu’il avait pris, et qui avait pour ainsi dire relâché et brisé les ressorts de la machine. Lorsqu’on ouvrit le crâne, on lui trouva le cerveau d’une grandeur considérable. Le jeune chirurgien qui fit cette opération fut étonné de cette quantité de cervelle. Il témoigna sa surprise et son admiration à cet égard et ne pouvait se lasser de regarder ce phénomène avec des yeux interdits ; il demanda même la permission de garder le cervelet, désirant conserver précieusement quelques restes de ce grand homme. M. le marquis de Villette demanda son cœur pour le mettre dans une chapelle de l’église de sa terre ; on le lui accorda. À l’égard de cette énorme quantité de cervelle c’est une remarque presque constante que les hommes d’un grand esprit ont le cerveau d’un volume beaucoup plus considérable que les hommes ordinaires.