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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome1.djvu/573

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DE VOLTAIRE.

Mais si la personne qui a confié ces renseignements à la mémoire de M. P. Lacroix s’est trompée sur le nom des seuls acteurs qu’elle ait désignés, n’a-t-elle pu également se tromper sur la date ?

Qu’au moment où le Panthéon fut abandonné aux missionnaires, on ait pris souci de la présence de deux tombes dans une église, on le comprend sans peine ; si elle eut lieu en 1821 ou 1822, il est facile d’expliquer l’ouverture du cercueil, sinon de l’excuser ou de l’amnistier. Mais quel intérêt si pressant avait en mai 1814, même pour les ennemis les plus ardents de Voltaire et de Rousseau, le secret déplacement de leurs cendres ? C’est au commencement de 1822, nous y reviendrons, que, pour la première fois, l’opinion publique s’émeut au sujet des deux tombes ; c’est alors seulement que l’on constate l’existence des soupçons dont le souvenir a été recueilli par l’Intermédiaire, et nul témoignage, en dehors de celui que lui a communiqué M. Lacroix, ne donne lieu de croire que cette violation soit antérieure à 1821 ou 1822. Nous disons 1821 ou 1822, sans nous arrêter dès maintenant à la date qu’inscrivent MM. Henrion et Michaud, celle du 3 janvier 1822 ; le fait avait pour eux une grande importance, et non sans doute la date précise du jour auquel il faut le rattacher. C’est donc surtout vers ce qui se passa au Panthéon à la fin de 1821 (l’ordonnance qui le rend au culte est du 12 décembre 1821), ou au commencement de 1822, que nous conseillerions de diriger désormais l’enquête, si l’on veut la poursuivre avec les meilleures chances de succès.

Nous continuons l’analyse des documents publiés, sans négliger aucun des détails qui peuvent être invoqués, soit à l’appui, soit à l’encontre de chacune des hypothèses qui se présentent à l’esprit.

C’est en 1822, avons-nous dit, — au moment où les missionnaires viennent de prendre possession du Panthéon, — que le public demande avec inquiétude ce que sont devenus les restes des deux philosophes. Dans la séance de la Chambre des députés du 25 mars, M. Stanislas Girardin pose la question à la tribune. Il réclame, dit l’Intermédiaire, contre l’ordonnance royale du 12 décembre précédent, qui avait menacé « les grands hommes » inhumés au Panthéon dans la possession de cette demeure dernière qu’ils tenaient d’un décret-loi et de la « patrie reconnaissante », suivant les termes de la belle inscription due à M. de Pastoret. Il se plaint du « silence injustifiable » du ministre, en présence « des bruits plus ou moins vraisemblables qui se sont répandus relativement aux dépouilles de Voltaire et de Rousseau, » et il le « somme de dire enfin ce que ces dépouilles sont devenues ».

À cette interpellation, le ministre de l’intérieur, M. Corbière, répond : « Elles ont été déposées dans les caveaux de l’église Sainte-Geneviève, et elles y sont encore. » (Sensation, dit le Moniteur.)