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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/112

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DES SIBYLLES CHEZ LES GRECS.

Ce règne de Jésus-Christ pendant mille ans sur la terre était fondé d’abord sur la prophétie de saint Luc, chapitre xvi ; prophétie mal entendue, que Jésus-Christ « viendrait dans les nuées, dans une grande puissance et dans une grande majesté, avant que la génération présente fût passée ». La génération avait passé ; mais saint Paul avait dit aussi dans sa première Épître aux Thessaloniciens, chap. iv :

« Nous vous déclarons, comme l’ayant appris du Seigneur, que nous qui vivons, et qui sommes réservés pour son avènement, nous ne préviendrons point ceux qui sont déjà dans le sommeil.

« Car, aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l’archange, et par le son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui seront morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers.

« Puis nous autres qui sommes vivants, et qui serons demeurés jusqu’alors, nous serons emportés avec eux dans les nuées, pour aller au-devant du Seigneur, au milieu de l’air ; et ainsi nous vivrons pour jamais avec le Seigneur. »

Il est bien étrange que Paul dise que c’est le Seigneur lui-même qui lui avait parlé ; car Paul, loin d’avoir été un des disciples de Christ, avait été longtemps un de ses persécuteurs. Quoi qu’il en puisse être, l’Apocalypse avait dit aussi, chapitre xx, que les justes régneraient sur la terre pendant mille ans avec Jésus-Christ.

On s’attendait donc à tout moment que Jésus-Christ descendrait du ciel pour établir son règne, et rebâtir Jérusalem, dans laquelle les chrétiens devaient se réjouir avec les patriarches.

Cette nouvelle Jérusalem était annoncée dans l’Apocalypse : « Moi, Jean, je vis la nouvelle Jérusalem qui descendait du ciel, parée comme une épouse... Elle avait une grande et haute muraille, douze portes, et un ange à chaque porte... douze fondements où sont les noms des apôtres de l’agneau... Celui qui me parlait avait une toise d’or pour mesurer la ville, les portes et la muraille, La ville est bâtie en carré ; elle est de douze mille stades ; sa longueur, sa largeur et sa hauteur sont égales... Il en mesura aussi la muraille, qui est de cent quarante-quatre coudées... Cette muraille est de jaspe, et la ville était d’or, etc. »

On pouvait se contenter de cette prédiction ; mais on voulut encore avoir pour garant une sibylle à qui l’on fait dire à peu près les mêmes choses. Cette persuasion s’imprima si fortement dans les esprits que saint Justin, dans son Dialogue contre Tryphon, dit « qu’il en est convenu, et que Jésus doit venir dans cette Jérusalem boire et manger avec ses disciples ».