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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/117

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DES TEMPLES.

Mais Guillaume III ne voulut point faire de miracles, et ses successeurs s’en sont abstenus comme lui. Si l’Angleterre éprouve jamais quelque grande révolution qui la replonge dans l’ignorance, alors elle aura des miracles tous les jours.


xxxiv. — Des temples.

On n’eut pas un temple aussitôt qu’on reconnut un Dieu. Les Arabes, les Chaldéens, les Persans, qui révéraient les astres, ne pouvaient guère avoir d’abord des édifices consacrés ; ils n’avaient qu’à regarder le ciel, c’était là leur temple. Celui de Bel, à Babylone, passe pour le plus ancien de tous ; mais ceux de Brama, dans l’Inde, doivent être d’une antiquité plus reculée : au moins les brames le prétendent.

Il est dit dans les annales de la Chine que les premiers empereurs sacrifiaient dans un temple. Celui d’Hercule, à Tyr, ne paraît pas être des plus anciens. Hercule ne fut jamais, chez aucun peuple, qu’une divinité secondaire ; cependant le temple de Tyr est très-antérieur à celui de Judée. Hiram en avait un magnifique, lorsque Salomon, aidé par Hiram, bâtit le sien. Hérodote, qui voyagea chez les Tyriens, dit que, de son temps, les archives de Tyr ne donnaient à ce temple que deux mille trois cents ans d’antiquité. L’Égypte était remplie de temples depuis longtemps. Hérodote dit encore qu’il apprit que le temple de Vulcain, à Memphis, avait été bâti par Menés vers le temps qui répond à trois mille ans avant notre ère ; et il n’est pas à croire que les Égyptiens eussent élevé un temple à Vulcain, avant d’en avoir donné un à Isis, leur principale divinité.

Je ne puis concilier avec les mœurs ordinaires de tous les hommes ce que dit Hérodote au livre second : il prétend que, excepté les Égyptiens et les Grecs, tous les autres peuples avaient coutume de coucher avec les femmes au milieu de leurs temples. Je soupçonne le texte grec d’avoir été corrompu. Les hommes les plus sauvages s’abstiennent de cette action devant des témoins. On ne s’est jamais avisé de caresser sa femme ou sa maîtresse en présence de gens pour qui on a les moindres égards.

Il n’est guère possible que chez tant de nations, qui étaient religieuses jusqu’au plus grand scrupule, tous les temples eussent été des lieux de prostitution. Je crois qu’Hérodote a voulu dire que les prêtres qui habitaient dans l’enceinte qui entourait le temple pouvaient coucher avec leurs femmes dans cette enceinte