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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/238

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CHAPITRE VII.

connue. C’est là la pierre de touche des livres que les fausses religions prétendent écrits par la Divinité, car Dieu n’est ni absurde, ni ignorant; mais le peuple, qui ne voit pas ces fautes, les adore, et les imans emploient un déluge de paroles pour les pallier[1].

Les commentateurs du Koran distinguent toujours le sens positif et l’allégorique, la lettre et l’esprit. On reconnaît le génie arabe dans les commentaires, comme dans le texte. Un des plus autorisés commentateurs dit que « le Koran porte tantôt une face d’homme, tantôt une face de bête », pour signifier l’esprit et la lettre.

Une chose qui peut surprendre bien des lecteurs, c’est qu’il n’y eut rien de nouveau dans la loi de Mahomet, sinon que Mahomet était prophète de Dieu.

En premier lieu, l’unité d’un être suprême, créateur et conservateur, était très-ancienne. Les peines et les récompenses dans une autre vie, la croyance d’un paradis et d’un enfer, avaient été admises chez les Chinois, les Indiens, les Perses, les Égyptiens, les Grecs, les Romains, et ensuite chez les Juifs, et surtout chez les chrétiens, dont la religion consacra cette doctrine.

L’Alcoran reconnaît des anges et des génies, et cette créance vient des anciens Perses. Celle d’une résurrection et d’un jugement dernier était visiblement puisée dans le Talmud et dans le christianisme. Les mille ans que Dieu emploiera, selon Mahomet, à juger les hommes, et la manière dont il y procédera, sont des accessoires qui n’empêchent pas que cette idée ne soit entièrement empruntée. Le pont aigu sur lequel les ressuscités passeront, et du haut duquel les réprouvés tomberont en enfer, est tiré de la doctrine allégorique des mages.

C’est chez ces mêmes mages, c’est dans leur Jannat que Mahomet a pris l’idée d’un paradis, d’un jardin, où les hommes, revivant avec tous leurs sens perfectionnés, goûteront par ces sens mêmes toutes les voluptés qui leur sont propres, sans quoi ces sens leur seraient inutiles. C’est là qu’il a puisé l’idée de ces houris, de ces femmes célestes qui seront le partage des élus, et que les mages appelaient hourani, comme on le voit dans le Sadder. Il n’exclut point les femmes de son paradis, comme

  1. Dans l’édition de Néaulme, on lisait : « Mais le vulgaire, qui ne voit point ces fautes, les adore, et les docteurs emploient un déluge de paroles pour les pallier. » Voltaire protesta contre le mot docteurs, qui se trouvait, disait-il, mis par affectation dans cette dernière phrase, au lieu du mot imans. (G. A.)