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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/253

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FAUSSES LÉGENDES DES PREMIERS CHRÉTIENS.

cousin germain de Jésus-Christ fût bien vieux, puisqu’il vivait sous Trajan dans la cent septième année de notre ère vulgaire.

On supposa une longue conversation entre Trajan et saint Ignace, à Antioche. Trajan lui dit : « Qui es-tu, esprit impur, démon infernal ? » Ignace lui répondit : « Je ne m’appelle point esprit impur ; je m’appelle Porte-Dieu ! » Cette conversation est tout à fait vraisemblable.

Vient ensuite une sainte Symphorose avec ses sept enfants qui allèrent voir familièrement l’empereur Adrien, dans le temps qu’il bâtissait sa belle maison de campagne à Tibur. Adrien, quoiqu’il ne persécutât jamais personne, fit fendre en sa présence le cadet des sept frères, de la tête en bas, et fit tuer les six autres avec la mère par des genres différents de mort, pour avoir plus de plaisir.

Sainte Félicité et ses sept enfants, car il en faut toujours sept, est interrogée avec eux, jugée et condamnée par le préfet de Rome dans le champ de Mars, où l’on ne jugeait jamais personne. Le préfet jugeait dans le prétoire ; mais on n’y regarda pas de si près.

Saint Polycarpe étant condamné au feu, on entend une voix du ciel qui lui dit : « Courage, Polycarpe, sois ferme » ; et aussitôt les flammes du bûcher se divisent et forment un beau dais sur sa tête, sans le toucher.

Un cabaretier chrétien, nommé saint Théodote, rencontre dans un pré le curé Fronton auprès de la ville d’Ancyre, on ne sait pas trop quelle année, et c’est bien dommage ; mais c’est sous l’empereur Dioclétien. « Ce pré, dit la légende recueillie par le révérend père Bollandus, était d’un vert naissant, relevé par les nuances diverses que formaient les divers coloris des fleurs.
« Ah ! le beau pré, s’écria le saint cabaretier, pour y bâtir une chapelle !
— Vous avez raison, dit le curé Fronton, mais il me faut des reliques.
— Allez, allez, reprit Théodote, je vous en fournirai. » Il savait bien ce qu’il disait. Il y avait dans Ancyre sept vierges chrétiennes d’environ soixante-douze ans chacune. Elles furent condamnées par le gouverneur à être violées par tous les jeunes gens de la ville, selon les lois romaines ; car ces légendes supposent toujours qu’on faisait souffrir ce supplice à toutes les filles chrétiennes.

Il ne se trouva heureusement aucun jeune homme qui voulût être leur exécuteur ; il n’y eut qu’un jeune ivrogne qui eut assez de courage pour s’attaquer d’abord à sainte Técuse, la plus jeune de toutes, qui était dans sa soixante-douzième année. Técuse se