Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
CHAPITRE CXVIII.

être mis au rang des héros, a pourtant sa place entre ces rois, et par la révolution qu’il fit dans les esprits de ses peuples, et par la balance que l’Angleterre apprit sous lui à tenir entre les souverains. Il prit pour devise un guerrier tendant son arc, avec ces mots : Qui je défends est maître ; devise que sa nation a rendue quelquefois véritable.

Le nom du pape Léon X est célèbre par son esprit, par ses mœurs aimables, par les grands hommes dans les arts qui éternisent son siècle, et par le grand changement qui sous lui divisa l’Église.

Au commencement du même siècle, la religion et le prétexte d’épurer la loi reçue, ces deux grands instruments de l’ambition, font le même effet sur les bords de l’Afrique qu’en Allemagne, et chez les mahométans que chez les chrétiens. Un nouveau gouvernement, une race nouvelle de rois, s’établissent dans le vaste empire de Maroc et de Fez, qui s’étend jusqu’aux déserts de la Nigritie. Ainsi l’Asie, l’Afrique, et l’Europe, éprouvent à la fois une révolution dans les religions : car les Persans se séparent pour jamais des Turcs ; et, reconnaissant le même dieu et le même prophète, ils consomment le schisme d’Omar et d’Ali. Immédiatement après, les chrétiens se divisent aussi entre eux, et arrachent au pontife de Rome la moitié de l’Europe.

L’ancien monde est ébranlé, le nouveau monde est découvert et conquis par Charles-Quint ; le commerce s’établit entre les Indes orientales et l’Europe, par les vaisseaux et les armes du Portugal.

D’un côté, Cortez soumet le puissant empire du Mexique, et les Pizzaro font la conquête du Pérou, avec moins de soldats qu’il n’en faut en Europe pour assiéger une petite ville. De l’autre, Albuquerque dans les Indes établit la domination et le commerce du Portugal, avec presque aussi peu de forces, malgré les rois des Indes, et malgré les efforts des musulmans en possession de ce commerce.

La nature produit alors des hommes extraordinaires presque en tous les genres, surtout en Italie.

Ce qui frappe encore dans ce siècle illustre, c’est que, malgré les guerres que l’ambition excita et malgré les querelles de religion qui commençaient à troubler les États, ce même génie qui faisait fleurir les beaux-arts à Rome, à Naples, à Florence, à Venise, à Ferrare, et qui de là portait sa lumière dans l’Europe, adoucit d’abord les mœurs des hommes dans presque toutes les provinces de l’Europe chrétienne. La galanterie de la cour de