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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/276

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CHAPITRE CXXV.

cette maison. Des prétentions sur quelques parties de cet État étaient depuis longtemps un sujet de discorde. Les guerres du Milanais avaient de même leur origine dans le mariage de l’aïeul de Louis XII. Il n’y a aucun État héréditaire en Europe où les mariages n’aient apporté la guerre. Le droit public est devenu par là un des plus grands fléaux des peuples ; presque toutes les clauses des contrats et des traités n’ont été expliquées que par les armes. Les États du duc furent ravagés ; mais cette invasion de François Ier procura une liberté entière à Genève, et en fit comme la capitale de la nouvelle religion réformée. Il arriva que ce même roi, qui faisait périr à Paris les novateurs par des supplices affreux, qui faisait des processions pour expier leurs erreurs, qui disait « qu’il n’épargnerait pas ses enfants s’ils en étaient coupables », était partout ailleurs le plus grand soutien de ce qu’il voulait exterminer dans ses États.

C’est une grande injustice dans le P. Daniel de dire que la ville de Genève mit alors le comble à sa révolte contre le duc de Savoie : ce duc n’était point son souverain ; elle était ville libre impériale ; elle partageait, comme Cologne et comme beaucoup d’autres villes, le gouvernement avec son évêque. L’évêque avait cédé une partie de ses droits au duc de Savoie, et ces droits, disputés, étaient en compromis depuis douze années.

Les Genevois disaient qu’un évêque n’a nul droit à la souveraineté ; que les apôtres ne furent point des princes ; que si dans les temps d’anarchie et de barbarie les évêques usurpèrent des provinces, les peuples, dans des temps éclairés, devaient les reprendre.

Mais ce qu’il fallait surtout observer, c’est que Genève était alors une ville petite et pauvre, et que depuis qu’elle se rendit libre, elle fut plus peuplée du double, plus industrieuse, plus commerçante.

Cependant quel fruit François Ier recueille-t-il de tant d’entreprises ? Charles-Quint arrive de Rome, fait repasser les Alpes aux Français, entre en Provence avec cinquante mille hommes, s’avance jusqu’à Marseille (1536), met le siège devant Arles ; et une autre armée ravage la Champagne et la Picardie. Ainsi le fruit de cette nouvelle tentative sur l’Italie fut de hasarder la France.

La Provence et le Dauphiné ne furent sauvées[1] que par la sage conduite du maréchal de Montmorency, comme elles l’ont

  1. Les éditions de 1750, 1761, 1769, 1775, portent sauvées ; c’est sans doute par ellipse ; l’auteur a sous-entendu ces mots : Les provinces de. (B.)