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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/282

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CHAPITRE CXXV.

Je ne saurais pourtant concilier ces vers, qui paraissent purement écrits pour le temps, avec les lettres qu’on a encore de sa main, et surtout avec celle que Daniel a rapportée :

« Tout à steure ynsi que je me vouloys mettre o lit est aryvé Laval, lequel m’a aporté la certeneté du levement den siége, etc. »

Ce n’était point ainsi que les Scipion, les Sylla, les César, écrivaient en leur langue. Il faut avouer que, malgré l’instinct heureux qui animait François Ier en faveur des arts, tout était barbare en France, comme tout était petit en comparaison des anciens Romains.

Il composa des mémoires sur la discipline militaire dans le temps qu’il voulait établir en France la légion romaine. Tous les arts furent protégés par lui ; mais il fut obligé de faire venir des peintres, des sculpteurs, des architectes, d’Italie.

Il voulut bâtir le Louvre ; mais à peine eut-il le temps d’en faire jeter les fondements : son projet magnifique du Collége royal ne put être exécuté ; mais du moins on enseigna par ses libéralités les langues grecque et hébraïque, et la géométrie, qu’on était très-loin de pouvoir enseigner dans l’université. Cette université avait le malheur de n’être fameuse que par sa théologie scolastique et par ses disputes : il n’y avait pas un homme en France avant ce temps-là qui sût lire les caractères grecs.

On ne se servait dans les écoles, dans les tribunaux, dans les monuments publics, dans les contrats, que d’un mauvais latin appelé le langage du moyen âge, reste de l’ancienne barbarie des Francs, des Lombards, des Germains, des Goths, des Anglais, qui ne surent ni se former une langue régulière, ni bien parler la latine.

Rodolphe de Habsbourg avait ordonné dans l’Allemagne qu’on plaidât et qu’on rendît les arrêts dans la langue du pays. Alfonse le Sage, en Castille, établit le même usage. Édouard III en fit autant en Angleterre. François Ier ordonna enfin qu’en France ceux qui avaient le malheur de plaider pussent lire leur ruine dans leur propre idiome. Ce ne fut pas ce qui commença à polir la langue française, ce fut l’esprit du roi et celui de sa cour à qui l’on eut cette obligation.

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