Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
DE TAMERLAN.

l’ancienne Sogdiane[1], où les Grecs pénétrèrent autrefois sous Alexandre, et où ils fondèrent des colonies. C’est aujourd’hui le pays des Usbecs. Il commence à la rivière du Gion, ou de l’Oxus, dont la source est dans le petit Thibet, environ à sept cents lieues de la source du Tigre et de l’Euphrate. C’est ce même fleuve Gion dont il est parlé dans la Genèse, et qui coulait d’une même fontaine avec l’Euphrate et le Tigre : il faut que les choses aient bien changé.

Au nom de la ville de Cash, on se figure un pays affreux ; il est pourtant dans le même climat que Naples et la Provence, dont il n’éprouve pas les chaleurs : c’est une contrée délicieuse.

Au nom de Tamerlan, on s’imagine aussi un barbare approchant de la brute : on a vu qu’il n’y a jamais de grand conquérant parmi les princes, non plus que de grandes fortunes chez les particuliers, sans cette espèce de mérite dont les succès sont la récompense. Tamerlan devait avoir d’autant plus de ce mérite propre à l’ambition qu’étant né sans États, il subjugua autant de pays qu’Alexandre, et presque autant que Gengis. Sa première conquête fut celle de Balk, capitale de Corassan, sur les frontières de la Perse. De là il va se rendre maître de la province de Candahar. Il subjugue toute l’ancienne Perse ; il retourne sur ses pas pour soumettre les peuples de la Transoxane. Il revient prendre Bagdad. Il passe aux Indes, les soumet, se saisit de Déli qui en était la capitale. Nous voyons que tous ceux qui se sont rendus maîtres de la Perse ont aussi conquis ou désolé les Indes, Ainsi Darius Ochus, après tant d’autres, en fit la conquête. Alexandre, Gengis, Tamerlan, les envahirent aisément. Sha-Nadir, de nos jours, n’a eu qu’à s’y présenter : il y a donné la loi, et en a remporté des trésors immenses.

Tamerlan, vainqueur des Indes, retourne sur ses pas. Il se jette sur la Syrie ; il prend Damas. Il revole à Bagdad déjà soumise, et qui voulait secouer le joug. Il la livre au pillage et au glaive. On dit qu’il y périt près de huit cent mille habitants ; elle fut entièrement détruite. Les villes de ces contrées étaient aisément rasées, et se rebâtissaient de même. Elles n’étaient, comme on l’a déjà remarqué[2], que de briques séchées au soleil. C’est au milieu du cours de ces victoires que l’empereur grec, qui ne trouvait aucun secours chez les chrétiens, s’adresse enfin à ce Tar-

  1. Il naquit au village de Sebsa, non loin de Samarcande, et hérita du territoire de Cush, et d’un commandement de dix mille chevaux. (G. A.)
  2. Chapitre vi.