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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/106

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CHAPITRE CLXXXIII.

d’Albe se flattait de prendre Rome, comme elle avait été prise sous Charles-Quint, et du temps des Othon, et d’Arnoud, et de tant d’autres ; mais il alla, au bout de quelques mois, baiser les pieds du pontife ; on rendit les cloches à Bénévent, et tout fut fini.

(1560) Ce fut un spectacle affreux, après la mort de Paul IV, que la condamnation de ses deux neveux, le prince de Palliano, et le cardinal Caraffa : le sacré collége vit avec horreur ce cardinal, condamné par les ordres de Pie IV, mourir par la corde, comme était mort le cardinal Soli[1] sous Léon X. Mais une action de cruauté ne fit pas un règne cruel, et la nation romaine ne fut pas tyrannisée : elle se plaignit seulement que le pape vendît les charges du palais, abus qui augmenta dans la suite.

(1563) Le concile de Trente fut terminé sous Pie IV d’une manière paisible[2]. Il ne produisit aucun effet nouveau ni parmi les catholiques, qui croyaient tous les articles de foi enseignés par ce concile, ni parmi les protestants, qui ne les croyaient pas : il ne changea rien aux usages des nations catholiques qui adoptaient quelques règles de discipline différentes de celles du concile.

La France surtout conserva ce qu’on appelle les libertés de son Église, qui sont en effet les libertés de sa nation. Vingt-quatre articles, qui choquent les droits de la juridiction civile, ne furent jamais adoptés en France : les principaux de ces articles donnaient aux seuls évêques l’administration de tous les hôpitaux, attribuaient au seul pape le jugement des causes criminelles de tous les évêques, soumettaient les laïques en plusieurs cas à la juridiction épiscopale. Voilà pourquoi la France rejeta toujours le concile dans la discipline qu’il établit. Les rois d’Espagne le reçurent dans tous leurs États avec le plus grand respect et les plus grandes modifications, mais secrètes et sans éclat : Venise imita l’Espagne. Les catholiques d’Allemagne demandèrent encore l’usage de la coupe et le mariage des prêtres. Pie IV accorda la communion sous les deux espèces, par des brefs, à l’empereur Maximilien II et à l’archevêque de Mayence ; mais il fut inflexible sur le célibat des prêtres. L’Histoire des papes en donne pour raison que Pie IV, étant délivré du concile, n’en avait plus rien à craindre : « De là vient, ajoute l’auteur, que ce pape, qui violait les lois divines et humaines, faisait le scrupuleux sur le célibat. » Il est

  1. Soli s’étant racheté, ainsi que Voltaire l’a dit au chapitre cxxvii, ce fut le cardinal Petrucci qu’on pendit dans sa prison. (B.)
  2. La relation des disputes et des actes de ce concile se trouve au chap. clxxii. (Note de Voltaire.)