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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/111

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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

public n’épouvantait pas. Ce fut sur leurs ordres, en forme de sollicitations, que le lieutenant criminel Lecomte décréta et emprisonna Saurin[1], l’interrogea, le confronta, le récola, le tout en moins de vingt-quatre heures, par une procédure précipitée. Le chancelier réprimanda le lieutenant criminel sur cette procédure violente et inusitée.

Quant aux jésuites, il est si faux qu’ils se fussent déclarés contre Rousseau qu’immédiatement après la sentence contradictoire du Châtelet, par laquelle il fut unanimement condamné, il fit une retraite au noviciat des jésuites, sous la direction du P. Sanadon, dans le temps qu’il appelait au parlement. Cette retraite chez les jésuites prouve deux choses : la première, qu’ils n’étaient pas ses ennemis ; la seconde, qu’il voulait opposer les pratiques de la religion aux accusations de libertinage que d’ailleurs on lui suscitait. Il avait déjà fait ses meilleurs psaumes, en même temps que ses épigrammes licencieuses, qu’il appelait les gloria patri de ses psaumes, et Danchet lui avait adressé ces vers :

À te masquer habile,
Traduis tour à tour
Pétrône à la ville,
David à la cour, etc.

Il ne serait donc pas étonnant qu’ayant pris le manteau de la religion, comme tant d’autres, tandis qu’il portait celui de cynique, il eût depuis conservé le premier, qui lui était devenu absolument nécessaire. On ne veut tirer aucune conséquence de cette induction ; il n’y a que Dieu qui connaisse le cœur de l’homme.

10° Il est important d’observer que, pendant plus de trente années que Lamotte-Houdard, Saurin, et Malafer, ont survécu à ce procès, aucun d’eux n’a été soupçonné ni de la moindre mauvaise manœuvre, ni de la plus légère satire. Lamotte-Houdard n’a jamais même répondu à ces invectives atroces, connues sous le nom de Calottes, et sous d’autres titres, dont un ou deux hommes, qui étaient en horreur à tout le monde, l’accablèrent si longtemps. Il ne déshonora jamais son talent par la satire, et même, lorsqu’en 1709, outragé continuellement par Rousseau, il fit cette belle ode :

On ne se choisit point son père ;
Par un reproche populaire

  1. Voyez la Vie de J.-B. Rousseau, dans les Mélanges.