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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/113

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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

crime. Cette réflexion n’est pas une preuve ; mais, jointe aux autres, elle est d’un grand poids.

12° Si un garçon aussi simple et aussi grossier que le nommé Guillaume Arnoult, condamné comme témoin suborné par Rousseau, n’avait point été en effet coupable, il l’aurait dit, il l’aurait crié toute sa vie à tout le monde. Je l’ai connu. Sa mère aidait dans la cuisine de mon père, ainsi qu’il est dit dans le factum de Saurin ; et sa mère et lui ont dit plusieurs fois à ma famille, en ma présence, qu’il avait été justement condamné.

Pourquoi donc, au bout de quarante-deux ans, N. Boindin a-t-il voulu laisser, en mourant, cette accusation authentique contre trois hommes qui ne sont plus ? C’est que le Mémoire était composé il y a plus de vingt ans ; c’est que Boindin les haïssait tous trois ; c’est qu’il ne pouvait pardonner à Lamotte de n’avoir pas sollicité pour lui une place à l’Académie française, et de lui avoir avoué que ses ennemis, qui l’accusaient d’athéisme, lui donneraient l’exclusion. Il s’était brouillé avec Saurin, qui était, comme lui, un esprit altier et inflexible. Il s’était brouillé de même avec Malafer, homme dur et impoli. Il était devenu l’ennemi de Lériget de La Faye, qui avait fait contre lui cette épigramme :

Oui, Vadius, on connaît votre esprit ;
Savoir s’y joint ; et quand le cas arrive
Qu’œuvre paraît par quelque coin fautive,
Plus aigrement qui jamais la reprit ?
Mais on ne voit qu’en vous aussi se montre
L’art de louer le beau qui s’y rencontre,
Dont cependant maints beaux esprits font cas.
De vos pareils que voulez-vous qu’on pense ?
Eh quoi ! qu’ils sont connaisseurs délicats ?
Pas n’en voudrais tirer la conséquence ;
Mais bien qu’ils sont gens à fuir de cent pas.

C’était là en effet le caractère de Boindin, et c’est lui qui est peint dans le Temple du Goût, sous le nom de Bardou. Il fut dans son Mémoire la dupe de sa haine, incapable de dire ce qu’il ne croyait pas, et incapable de changer d’avis sur ce que son humeur lui inspirait. Ses mœurs étaient irréprochables ; il vécut toujours en philosophe rigide ; il fit des actions de générosité ; mais cette humeur dure et insociable lui donnait des préventions dont il ne revenait jamais.

Toute cette funeste affaire, qui a eu de si longues suites, et dont il n’y a guère d’hommes plus instruits que moi, dut son