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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/315

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Voilà comme le roi, au comble de sa grandeur, indisposa, ou dépouilla, ou humilia, presque tous les princes ; aussi presque tous se réunissaient contre lui.


CHAPITRE XV.

LE ROI JACQUES DÉTRÔNÉ PAR SON GENDRE GUILLAUME III, ET PROTÉGÉ PAR LOUIS XIV.


Le prince d’Orange, plus ambitieux que Louis XIV, avait conçu des projets vastes qui pouvaient paraître chimériques dans un stathouder de Hollande, mais qu’il justifia par son habileté et par son courage. Il voulait abaisser le roi de France, et détrôner le roi d’Angleterre. Il n’eut pas de peine à liguer petit à petit l’Europe contre la France. L’empereur, une partie de l’empire, la Hollande, le duc de Lorraine, s’étaient d’abord secrètement ligués à Augsbourg (1687) ; ensuite l’Espagne et la Savoie s’unirent à ces puissances. Le pape, sans être expressément un des confédérés, les animait tous par ses intrigues. Venise les favorisait, sans se déclarer ouvertement. Tous les princes d’Italie étaient pour eux. Dans le Nord, la Suède était alors du parti des Impériaux, et le Danemark était un allié inutile de la France. Plus de cinq cent mille protestants, fuyant la persécution de Louis, et emportant avec eux hors de France leur industrie et leur haine contre le roi, étaient de nouveaux ennemis qui allaient dans toute l’Europe exciter les puissances déjà animées à la guerre. (On parlera de cette fuite dans le chapitre de la religion[1].) Le roi était de tous côtés entouré d’ennemis, et n’avait d’ami que le roi Jacques.

Jacques, roi d’Angleterre, successeur de Charles II son frère, était catholique comme lui ; mais Charles n’avait bien voulu souffrir qu’on le fît catholique, sur la fin de sa vie, que par complaisance pour ses maîtresses et pour son frère : il n’avait en effet d’autre religion qu’un pur déisme. Son extrême indifférence sur toutes les disputes qui partagent les hommes n’avait pas peu contribué à le faire régner paisiblement en Angleterre. Jacques, au

  1. Chapitre xxxvi, du Calvinisme.