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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/466

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CHAPITRE XXVI.

SUITE DES PARTICULARITÉS ET ANECDOTES.


À la gloire, aux plaisirs, à la grandeur, à la galanterie, qui occupaient les premières années de ce gouvernement, Louis XIV voulut joindre les douceurs de l’amitié ; mais il est difficile à un roi de faire des choix heureux. De deux hommes auxquels il marqua le plus de confiance, l’un le trahit indignement, l’autre abusa de sa faveur. Le premier était le marquis de Vardes, confident du goût du roi pour Mme de La Vallière. On sait que des intrigues de cour le firent chercher à perdre Mme de La Vallière, qui, par sa place, devait avoir des jalouses, et qui, par son caractère, ne devait point avoir d’ennemis. On sait qu’il osa, de concert avec le comte de Guiche et la comtesse de Soissons, écrire à la reine régnante une lettre contrefaite, au nom du roi d’Espagne, son père. Cette lettre apprenait à la reine ce qu’elle devait ignorer, et ce qui ne pouvait que troubler la paix de la maison royale. Il ajouta à cette perfidie la méchanceté de faire tomber les soupçons sur les plus honnêtes gens de la cour, le duc et la duchesse de Navailles. (1665) Ces deux personnes innocentes furent sacrifiées au ressentiment du monarque trompé. L’atrocité de la conduite de Vardes fut trop tard connue ; et Vardes, tout criminel qu’il était, ne fut guère plus puni que les innocents qu’il avait accusés, et qui furent obligés de se défaire de leurs charges et de quitter la cour[1].

L’autre favori était le comte, depuis duc, de Lauzun, tantôt rival du roi dans ses amours passagers, tantôt son confident, et si connu depuis par ce mariage qu’il voulut contracter trop publiquement avec Mademoiselle, et qu’il fit ensuite secrètement, malgré sa parole donnée à son maître.

Le roi, trompé dans ses choix, dit qu’il avait cherché des amis, et qu’il n’avait trouvé que des intrigants. Cette connaissance malheureuse des hommes, qu’on acquiert trop tard, lui faisait dire aussi : « Toutes les fois que je donne une place vacante, je fais cent mécontents et un ingrat. »

  1. Le 30 mars 1663, c’est-à-dire un an après, Vardes fut enlevé à deux cents lieues de Versailles, jeté dans un cachot où il resta dix-huit mois, puis fut interné vingt ans à Aigues-Mortes. (G. A.)