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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

naturels. Il fit en mourant, à quatre-vingt-dix ans, son épitaphe :

J’étais poëte, historien ;
Et maintenant je ne suis rien.

Bouhier (Jean), président du parlement de Dijon, né en 1673. Son érudition l’a rendu célèbre. Il a traduit en vers français quelques morceaux d’anciens poëtes latins. Il pensait qu’on ne doit pas les traduire autrement ; mais ses vers font voir combien c’est une entreprise difficile. Mort en 1746[1].

Bouhours (Dominique), jésuite, né à Paris en 1628. La langue et le bon goût lui ont beaucoup d’obligations. Il a fait quelques bons ouvrages dont on a fait de bonnes critiques : Ex privatis odiis respublica crescit.

La vie de saint Ignace de Loyola, qu’il composa, n’a réussi ni chez les gens du monde, ni chez les savants, ni chez les philosophes. Celle de Xavier a été plus mal reçue. Ses Remarques sur la langue, et surtout sa Manière de bien penser sur les ouvrages d’esprit, seront toujours utiles aux jeunes gens qui voudront se former le goût ; il leur enseigne à éviter l’enflure, l’obscurité, le recherché, et le faux ; s’il juge trop sévèrement en quelques endroits le Tasse et d’autres auteurs italiens, il les condamne souvent avec raison. Son style est pur et agréable. Ce petit livre de la Manière de bien penser blessa les Italiens, et devint une querelle de nation ; on sentait que les opinions de Bouhours, appuyées de celles de Boileau, pouvaient tenir lieu de lois. Le marquis Orsi et quelques autres composèrent deux gros volumes pour justifier quelques vers du Tasse.

Remarquons que le P. Bouhours ne serait guère en droit de reprocher des pensées fausses aux Italiens, lui qui compare Ignace de Loyola à César, et François-Xavier à Alexandre, s’il n’était tombé rarement dans ces fautes. Mort en 1702.

Bouillaud[2] (Ismaël), de Loudun, né en 1605, savant dans l’histoire et dans les mathématiques. Comme tous les astronomes de ce siècle, il se mêla d’astrologie, ainsi qu’on le voit dans les lettres que lui écrivait Desnoyers, ambassadeur en Pologne, et depuis secrétaire d’État ; c’était alors un moyen de faire la cour aux gens puissants. Confugiendum ad astrologiam, astronomiæ altricem, disait Kepler. Mort en 1694.

  1. Ce fut à lui que Voltaire succéda dans la place de membre de l’Académie française ; voyez son Discours de réception, dans les Mélanges, à la date de 1746.
  2. C’est d’après Nicéron que Voltaire appelle ainsi cet auteur, dont le vrai nom est Boulliau ; voyez la Bibliothèque du Poitou, par Dreux du Radier, tome IV, pages 275-276.