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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/72

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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

Et que je t’épargnai de bile
Et d’injures au genre humain,
Quand, renversant ta cruche à l’huile,
Je te mis le verre à la main !

Mort en 1686.

Charas (Moyse), de l’Académie des sciences, le premier qui ait bien écrit sur la pharmacie ; tant il est vrai que sous Louis XIV tous les arts élargirent leur sphère. Ce pharmacien, voyageant à Madrid, fut mis dans les cachots de l’Inquisition parce qu’il était calviniste. Une prompte abjuration et les sollicitations de l’ambassadeur de France lui sauvèrent la vie et la liberté. Il s’occupa longtemps d’expériences sur les vipères, et des moyens d’empêcher les effets souvent mortels de leur morsure ; mais il se trompa en soutenant contre Redi[1] que le venin des vipères n’était pas contenu dans le suc jaune qui sort de deux vésicules placées derrière les crochets de leurs mâchoires. Dans le cours de ses expériences, il fut mordu plusieurs fois sans qu’il en résultât d’accidents très-graves. Mort en 1698.

Chardin (Jean), né à Paris en 1643. Nul voyageur n’a laissé des Mémoires plus curieux. Mort à Londres en 1713.

Charleval (Charles-Faucon de Ris), l’un de ceux qui acquirent de la célébrité par la délicatesse de leur esprit, sans se livrer trop au public. La fameuse Conversation du maréchal d’Hocquincourt et du P. Canaye, imprimée dans les Œuvres de Saint-Évremond, est de Charleval, jusqu’à la petite Dissertation sur le jansénisme et sur le moliniste que Saint-Évremond y a ajoutée. Le style de cette fin est très-différent de celui du commencement. Feu M. de Caumartin[2], le conseiller d’État, avait l’écrit de Charleval, de la main de l’auteur. On trouve dans le Moréri[3] que le président de Ris, neveu de Charleval, ne voulut pas faire imprimer les ouvrages de son oncle, de peur que le nom d’auteur peut-être ne fut une tache dans sa famille. Il faut être d’un état et d’un esprit bien abject pour avancer une telle idée dans le siècle où nous sommes ;

  1. Depuis Redi (François), né à Arezzo, en 1626, mort en 1694, un autre Italien, Félix Fontana, né en 1730, mort le 9 mars 1805, a multiplié les expériences sur le venin de la vipère. (B.)
  2. Il s’agit d’Antoine-Louis-François Lefèvre de Caumartin, né le 6 septembre 1696, conseiller d’État en juillet 1745, mort le 14 avril 1748. Voltaire publia son article Charleval en 1751. (B.)
  3. Édition de 1740. Le passage rapporté par Voltaire est une réflexion de l’abbé Goujet, et non du président de Ris, et n’est plus dans le Moréri de 1759.