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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/8

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iv
AVERTISSEMENT.

teurs. Exempt de préjugés religieux, philosophiques, politiques et nationaux, plus qu’aucun historien que j’aie jamais lu, il rapporte tous les faits avec autant de vérité et d’impartialité que les bienséances, qu’on doit toujours observer, le lui permettent… Il y a deux affectations puériles dont je souhaiterais que ce livre eût été exempt : l’une est une subversion totale de l’orthographe française anciennement établie ; l’autre est qu’il n’y a pas une seule lettre capitale dans tout le livre, excepté au commencement d’un paragraphe. Je vois avec déplaisir Rome, Paris, la France, César, Henri IV, etc., en lettres minuscules, et je ne conçois pas qu’il y ait aucune raison de retrancher de ces mots les capitales malgré un long usage. »

C’est en effet au Siècle de Louis XIV qu’il convient de faire remonter l’application de ce qu’on a appelé l’orthographe de Voltaire, qui a si bien prévalu que nul ne songe plus aujourd’hui à s’y soustraire. Quant à l’absence de lettres capitales, que signale le spirituel Anglais, effectivement elle produit, dans l’édition de Berlin, un effet assez bizarre ; mais Voltaire, s’il était pour quelque chose dans cette innovation, n’y persista pas et revint, dans les éditions suivantes, au système ordinaire.

Les louanges des meilleurs juges des travaux historiques confirmèrent le sentiment général. Ils ne firent guère qu’une réserve à leurs éloges. Ils regrettèrent seulement le peu d’étendue de la liste raisonnée des personnages célèbres. « MM. de Meinières et de Foncemagne, écrit d’Argental à l’auteur (Paris, 19 mars 1752), admirent le Siècle de Louis XIV ; mais les observations du second tombent principalement sur le Catalogue des écrivains. En effet cette partie n’est ni assez méditée, ni assez exacte. » Mais c’est moins à Voltaire qu’aux circonstances qu’il fallait s’en prendre. Cette partie de l’ouvrage eût été plus détaillée, plus précise et plus ample, si l’historien se fût trouvé à Paris : « C’était mon principal objet, dit-il (au président Hénault, 8 janvier 1762), mais que puis-je à Berlin ? »

La première édition fut enlevée en quelques jours. Huit éditions parurent en moins de huit mois, sans compter deux traductions allemandes publiées la même année, l’une à Francfort, et l’autre à Leipsick. Parmi ces réimpressions, il en est une qui se produisit dans des circonstances bien faites pour exciter la surprise, aujourd’hui que la propriété littéraire est un peu plus respectée qu’elle ne l’était à cette époque. La Beaumelle était alors à Berlin ; en hostilités ouvertes avec Voltaire, il déclara que le livre de son adversaire était plein « de pauvretés, de fautes et d’esprit ». Le public trouvant le jugement aussi injuste que présomptueux, La Beaumelle se fit fort de prouver son dire, et annonça un examen critique de l’ouvrage.

Cette annonce inquiéta Voltaire, qui savait que La Beaumelle était possesseur de la correspondance de Mme de Maintenon. L’existence de ces lettres de Mme de Maintenon ébranla sa confiance dans son travail, et lui inspira de vives appréhensions. Il chercha tantôt à intimider le libelliste, tantôt à détourner ses menaces : « Quoique j’aie passé trente années à m’instruire des faits principaux qui regardent ce règne ; quoiqu’on m’ait envoyé en dernier lieu les mémoires les plus instructifs, cependant je pense avoir fait, comme dit Bayle, bien des péchés de commission et d’omission. Tout homme de