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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/83

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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

ordinaire ; et le petit livre connu sous le nom de Géométrie de Descartes lui assure la supériorité sur tous les mathématiciens de son temps. Il a eu longtemps une si prodigieuse réputation que La Fontaine, ignorant à la vérité, mais écho de la voix publique, a dit de lui :

Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Dans les siècles passés, et qui tient le milieu
Entre l’homme et l’esprit, comme entre l’huître et l’homme
Le tient tel de nos gens, franche bête de somme.

L’abbé Genest, dans le siècle présent, s’est donné la malheureuse peine de mettre en vers français la physique de Descartes[1].

Ce n’est guère que depuis l’année 1730 qu’on a commencé à revenir en France de toutes les erreurs de cette philosophie chimérique, quand la géométrie et la physique expérimentale ont été plus cultivées. Le sort de Descartes en physique a été celui de Ronsard en poésie. Mort à Stockholm, en 1650.

Des Barreaux (Jacques de La Vallée, seigneur) est connu des gens de lettres et de goût par plusieurs petites pièces de vers agréables dans le goût de Sarasin et de Chapelle. Il était conseiller au parlement. On sait qu’ennuyé d’un procès dont il était rapporteur, il paya de son argent ce que le demandeur exigeait, jeta le procès au feu, et se démit de sa charge. Ses petites pièces de poésie sont encore entre les mains des curieux ; elles sont toutes assez hardies. La voix publique lui attribua un sonnet aussi médiocre que fameux, qui finit par ces vers :

Tonne, frappe, il est temps, rends-moi guerre pour guerre :
J’adore en périssant la raison qui t’aigrit ;
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre.
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ ?

Il est très-faux que ce sonnet soit de des Barreaux[2], il était

  1. Voyez, ci-après, l’article Genest.
  2. Dreux du Radier, dans ses Récréations historiques, I, 89, remarque que le dernier tercet du sonnet de des Barreaux est une imitation du dernier tercet d’un sonnet de l’abbé des Portes (édition de 1508 de ses Poésies chrétiennes) :

    Ne tourne point les yeux sur mes actes pervers ;
    Ou, si tu les veux voir, vois-les teints et couverts
    Du beau sang de ton fils, ma grâce et ma justice.

    Voltaire, dans la septième de ses Lettres à Son Altesse Monseigneur le prince de ***, reparle de des Barreaux et de son sonnet.