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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/117

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PREMIERE PARTIE.

dans ses Mémoires. Ce conte n’est point tiré de l’Anti-Machiavel, que son illustre auteur ne composa qu’en 1739. M. de Voltaire avait déjà, quelques années auparavant, poussé le Siècle de Louis XIV jusqu’à la bataille de Turin, et le manuscrit était entre les mains du roi de Prusse dès l’année 1737. Ce manuscrit était la suite d’une Histoire universelle depuis Charlemagne, écrite dans le même goût et dans le même esprit. On lui en a volé la partie la plus intéressante ; et si La Beaumelle sait où elle est, M. de Voltaire lui en donnera plus de quinze ducats[1].

Pour continuer à rendre ce Mémoire instructif, et pour nourrir l’ignorante sécheresse des remarques d’un jeune homme qui ose censurer une histoire sans rapporter un seul fait, sans alléguer la moindre prohabilité sur quoi que ce puisse être, passons à l’homme au masque de fer, et examinons, avec les lecteurs sérieux et attentifs, la plus singulière et la plus étonnante anecdote qui soit dans aucune histoire.

L’auteur du Siècle dit que tous les historiens de Louis XIV ont ignoré ce fait, et il a assurément raison. La Beaumelle répond avec sa prudence ordinaire : « Les Mémoires de Perse en ont parlé. » Voici ce qu’on pourrait lui répliquer.

Premièrement, mon ouvrage était fait en partie longtemps avant les Mémoires de Perse, qui n’ont paru qu’en 1745[2]. En second lieu, il n’appartient qu’à vous de citer parmi les historiens un libelle qui est aussi obscur, et presque aussi méprisable que votre Qu’en dira-t-on ; un libelle où il y a aussi peu de vérité que dans vos ouvrages, où la plupart des rois sont insultés, où les événements sont déguisés ainsi que les noms propres.

Le hasard fait tomber ce livre entre mes mains dans ce moment même. Je trouve qu’en effet il y est parlé de l’homme au masque de fer. L’auteur, à l’exemple de tous les auteurs de ces sortes d’ouvrages, mêle dans cette aventure beaucoup de mensonges à un peu de vérité : il dit que le duc d’Orléans, régent de France, qu’il

  1. Voyez page 100 du présent volume. — Lorsque La Beaumelle publia sa Réponse, l’Essai sur l’Histoire générale venait de paraître. La Beaumelle se prononce donc sur ce livre, et déclare qu’il n’a pu aller au delà du premier volume.
  2. Les Mémoires secrets pour servir à l’histoire de Perse donnent, sous des noms persans, l’histoire de la cour de Louis XV jusqu’en 1744. La première édition est de 1745, in-12 ; l’édition in-18, de 1759, contient une Liste, ou Clef des noms propres. On attribue cet ouvrage à Rességuier ; d’autres, à Pecquet, premier commis des affaires étrangères, qui a placé dans un vers du Pauvre Diable (voyez tome X) ; d’autres, à La Beaumelle. Une note ou lettre publiée à la suite du Journal de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour, est de Mme de Vieux-Maison. (B.)