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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/174

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de la banque d’Angleterre et de sa compagnie des Indes. Il proposa cet établissement au duc de Savoie, depuis premier roi de Sardaigne, Victor-Amédée, qui répondit qu’il n’était pas assez puissant pour se ruiner. Il le vint proposer au contrôleur général Desmarets ; mais c’était dans le temps d’une guerre malheureuse, où toute confiance était perdue ; et la base de ce système était la confiance[1].

Enfin, il trouva tout favorable sous la régence du duc d’Orléans : deux milliards de dettes à éteindre, une paix qui laissait du loisir au gouvernement, un prince et un peuple amoureux des nouveautés.

Il établit d’abord une banque en son propre nom, en 1716. Elle devint bientôt un bureau général des recettes du royaume. On y joignit une compagnie du Mississipi, compagnie dont on faisait espérer de grands avantages. Le public, séduit par l’appât du gain, s’empressa d’acheter avec fureur les actions de cette compagnie et de cette banque réunies. Les richesses, auparavant resserrées par la défiance, circulèrent avec profusion ; les billets doublaient, quadruplaient ces richesses. La France fut très-riche en effet par le crédit. Toutes les professions connurent le luxe, et il passa chez les voisins de la France, qui eurent part à ce commerce.

La banque fut déclarée Banque du roi en 1718. Elle se chargea du commerce du Sénégal. Elle acquit le privilège de l’ancienne compagnie des Indes, fondée par le célèbre Colbert, tombée depuis en décadence, et qui avait abandonné son commerce aux négociants de Saint-Malo. Enfin elle se chargea des fermes générales du royaume. Tout fut donc entre les mains de l’Écossais Lass, et toutes les finances du royaume dépendirent d’une compagnie de commerce.

Cette compagnie paraissant établie sur de si vastes fondements, ses actions augmentèrent vingt fois au delà de leur première valeur. Le duc d’Orléans fit sans doute une grande faute d’abandonner le public à lui-même. Il était aisé au gouvernement de mettre un frein à cette frénésie ; mais l’avidité des courtisans et l’espérance de profiter de ce désordre empêchèrent de l’arrêter. Les variations fréquentes dans le prix de ces effets produisirent à des hommes inconnus des biens immenses :

    plusieurs, à la cause des Pâris, qui aidèrent à sa fortune ; or les Pâris furent non-seulement les ennemis de Lass, mais encore les justiciers de son système. (G. A.)

  1. Voyez l’article Banque, dans le Dictionnaire philosophique.