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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/182

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dinal de Richelieu, quoiqu’il eût marié son fils à la nièce de ce cardinal.

Le quatrième, qui est le grand Condé, enfermé à Vincennes[1] et au Havre, poursuivi hors du royaume par le cardinal Mazarin.

Enfin celui dont nous parlons, et que nous appelons Monsieur le Duc[2], supplanté, chassé de la cour, et exilé par Fleury, évéque de Fréjus, qui lui cardinal bientôt après.

Voici comment se fit cette révolution qui étonna la France, et qui n’était après tout qu’un changement de ministre, ordinaire dans toutes les cours.

Monsieur le Duc abandonna d’abord tout le département de l’Église, et le soin de poursuivre les calvinistes et les jansénistes, à l’évêque de Fréjus, se réservant l’administration de tout le reste. Ce partage produisit quelques difficultés entre eux. Le prince était gouverné par un des frères Pâris, nommé Duverney[3], qui avait eu la principale part à l’ouvrage inouï de la liquidation des biens de tous les citoyens, après le renversement des chimères de Lass. Une autre personne gouvernait plus gaiement le prince ministre ; c’était la fille du traitant Pléneuf, mariée au marquis de Prie, jeune femme brillante, légère, d’un esprit vif et agréable. Pour Fleury, âgé alors de soixante et treize ans, il n’était gouverné par personne, et il avait sur le roi, son élève, un ascendant suprême, fruit de l’autorité d’un précepteur sur son disciple, et de l’habitude.

Pâris-Duverney, étroitement lié avec cette marquise de Prie, résolut avec elle de mettre le roi entièrement dans la dépendance du prince, et de chasser le précepteur. Nous avons déjà vu[4] que le duc d’Orléans, régent de France, pour finir sa guerre contre le roi d’Espagne Philippe V, avait marié l’infante, fille de ce monarque et de la princesse de Parme, âgée alors de cinq ans et demi, au roi de France qui en avait quinze. Il fallait attendre environ dix ans au moins la naissance incertaine d’un dauphin. Mme de Prie et Duverney prirent ce prétexte pour renvoyer l’infante à son père, et pour faire un véritable mariage du roi de France avec une sœur du duc de Bourbon, très-belle et très-capable de donner des enfants, élevée à Fontevrault sous le nom de princesse de Vermandois[5].

  1. Voyez tome XIV, page 194 ; et l’Histoire du Parlement, chapitre lvi.
  2. Voyez, tome Ier du Théâtre, la note 2 de la page 281.
  3. Voyez la note 1, page 168.
  4. Chapitre Ier, page 159.
  5. Les Condés eussent ainsi porté un double coup aux d’Orléans. (G. A.)