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2o L’Église gallicane approuve le concile de Constance, qui déclare les conciles généraux supérieurs au pape, dans le spirituel.

3o Les règles, les usages, les pratiques reçues dans le royaume et dans l’Église gallicane, doivent demeurer inébranlables.

4o Les décisions du pape, en matière de foi, ne sont sûres qu’après que l’Église les a acceptées.

Tous les tribunaux et toutes les facultés de théologie enregistrèrent ces quatre propositions dans toute leur étendue ; et il fut défendu par un édit de rien enseigner jamais de contraire.

Cette fermeté fut regardée à Rome comme un attentat de rebelles, et par tous les protestants de l’Europe comme un faible effort d’une Église, née libre, qui ne rompait que quatre chaînons de ses fers.

Ces quatre maximes furent d’abord soutenues avec enthousiasme dans la nation, ensuite avec moins de vivacité. Sur la fin du règne de Louis XIV elles commencèrent à devenir problématiques, et le cardinal de Fleury les fit depuis désavouer, en partie, par une assemblée du clergé, sans que ce désaveu causât le moindre bruit parce que les esprits n’étaient pas alors échauffés, et que, dans le ministère du cardinal de Fleury, rien n’eut de l’éclat. Elles ont repris enfin une grande vigueur.

Cependant Innocent XI s’aigrit plus que jamais : il refusa des bulles à tous les évêques et à tous les abbés commendataires que le roi nomma ; de sorte qu’à la mort de ce pape, en 1689, il y avait vingt-neuf diocèses en France dépourvus d’évêques. Ces prélats n’en touchaient pas moins leurs revenus ; mais ils n’osaient se faire sacrer, ni faire les fonctions épiscopales. L’idée de créer un patriarche se renouvela. La querelle des franchises des ambassadeurs à Rome, qui acheva d’envenimer les plaies, fit penser qu’enfin le temps était venu d’établir en France une Église catholique apostolique qui ne serait point romaine. Le procureur général de Harlai et l’avocat général Talon le firent assez entendre quand ils appelèrent, comme d’abus, en 1687, de la bulle contre les franchises et qu’ils éclatèrent contre l’opiniâtreté du pape, qui laissait tant d’églises sans pasteurs ; mais jamais le roi ne voulut consentir à cette démarche, qui était plus aisée qu’elle ne paraissait hardie.

La cause d’Innocent XI devint cependant la cause du saint-siége. Les quatre propositions du clergé de France attaquaient le fantôme de l’infaillibilité (qu’on ne croit pas à Rome, mais qu’on y soutient), et le pouvoir réel attaché à ce fantôme. Alexandre VIII