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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/297

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che avec environ trois mille montagnards vers les Anglais, qui étaient au nombre de plus de quatre mille : ils avaient deux régiments de dragons. La cavalerie du prince n’était composée que de quelques chevaux de bagage. Il ne se donna ni le temps ni la peine de faire venir ses canons de campagne. Il savait qu’il y en avait six dans l’armée ennemie ; mais rien ne l’arrêta. Il atteignit les ennemis à sept milles d’Édimbourg, à Preston-Pans. À peine est-il arrivé qu’il range son armée en bataille. Le duc de Perth et le lord George Murray commandaient l’un la gauche et l’autre la droite de l’armée, c’est-à-dire chacun environ sept ou huit cents hommes. Charles-Édouard était si rempli de l’idée qu’il devait vaincre qu’avant de charger les ennemis il remarqua un défilé par où ils pouvaient se retirer, et il le fit occuper par cinq cents montagnards. Il engagea donc le combat suivi d’environ deux mille cinq cents hommes seulement, ne pouvant avoir ni seconde ligne ni corps de réserve. Il tire son épée, et jetant le fourreau loin de lui : « Mes amis, dit-il, je ne la remettrai dans le fourreau que quand vous serez libres et heureux. » Il était arrivé sur le champ de bataille presque aussitôt que l’ennemi : il ne lui donna pas le temps de faire des décharges d’artillerie. Toute sa troupe marche rapidement aux Anglais sans garder de rang, ayant des cornemuses pour trompettes ; ils tirent à vingt pas ; ils jettent aussitôt leurs fusils, mettent d’une main leurs boucliers sur leur tête, et, se précipitant entre les hommes et les chevaux, ils tuent les chevaux à coups de poignards, et attaquent les hommes le sabre à la main (2 octobre 1745). Tout ce qui est nouveau et inattendu saisit toujours. Cette nouvelle manière de combattre effraya les Anglais : la force du corps, qui n’est aujourd’hui d’aucun avantage dans les autres batailles, était beaucoup dans celle-ci. Les Anglais plièrent de tous côtés sans résistance ; on en tua huit cents ; le reste fuyait par l’endroit que le prince avait remarqué, et ce fut là même qu’on en fit quatorze cents prisonniers. Tout tomba au pouvoir du vainqueur ; il se fit une cavalerie avec les chevaux des dragons ennemis. Le général Cope fut obligé de fuir, lui quinzième[1]. La nation murmura

  1. Ce récit n’est pas vrai dans tous ses détails. Et d’abord Charles-Édouard n’attaqua pas dès la rencontre. Pendant un jour on s’observa mutuellement. Quant au défilé, il faut le remplacer par un fossé qui protégeait le front de l’armée anglaise, et que Charles passa sur un petit pont pendant la nuit. Au jour, l’armée anglaise, devant faire volte-face aux Highlanders, se trouva donc avoir derrière elle le fossé qui la protégeait la veille. De là l’obstacle à sa retraite. Il ne lui restait qu’un petit sentier par où le général s’enfuit. (G. A.)