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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/41

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La secte subsista en paraissant écrasée. Elle espéra en vain, dans la guerre de 1689, que le roi Guillaume, ayant détrôné son beau-père catholique, soutiendrait en France le calvinisme. Mais, dans la guerre de 1701, la rébellion et le fanatisme éclatèrent en Languedoc et dans les contrées voisines.

    clémence. Dans les lettres, dans les mémoires du temps, on parle souvent du sanguinaire Bâville comme d’un grand homme. Tel est le malheureux sort d’un prince qui accorde sa confiance à des prêtres, et qui, trompé par eux, laisse gémir sa nation sous le joug de la superstition. Louis aimait la gloire, et il marchandait honteusement la conscience de ses sujets ; il voulait faire régner les lois, et il envoyait des soldats vivre à discrétion chez ceux qui ne pensaient point comme son confesseur. Il était flatté qu’on lui trouvât de la grandeur dans l’esprit, et il signait chaque mois des édits pour régler de quelle religion devaient être les marmitons, les maîtres en fait d’armes, et les écuyers de ses États ; il aimait la décence, et les soldats envoyés par ses ordres donnaient le fouet aux filles protestantes pour les convertir.

    Qu’il nous soit permis de faire ici quelques réflexions sur les causes de nos derniers troubles de religion.

    L’esprit des réformés n’a été républicain que dans les pays où les souverains se sont montrés leurs ennemis. Le clergé protestant de Danemark a été un des principaux agents de la révolution qui a établi l’autorité absolue. En France, sous Louis XIII, les ministres protestants les plus éclairés écrivirent pour exhorter les peuples à obéir aux lois du prince, n’exceptant que les cas où les lois ordonnent positivement une action contraire à la loi de Dieu. Mais on se plaisait à les contraindre à ce qu’ils regardaient comme des actes d’idolâtrie On les forçait, par une foule de petites injustices, à se jeter entre les bras des factieux, tandis qu’il n’aurait fallu qu’exécuter fidèlement l’édit de Nantes pour ôter à ces factieux l’appui des réformés. Cet édit de Nantes, à la vérité, ressemblait plus à une convention entre deux partis qu’à une loi donnée par un prince à ses sujets. Une tolérance absolue aurait été plus utile à la nation, plus juste, plus propre à conserver la paix qu’une tolérance limitée ; mais Henri IV n’osa l’accorder pour ne pas déplaire aux catholiques, et les protestants ne comptaient point assez sur son autorité pour se contenter d’une loi de tolérance, quelque étendue qu’elle pût être.

    Il eût été facile à Richelieu, et plus encore à Louis XIV, de réparer ce désordre en étendant la tolérance accordée par l’édit, et en détruisant tout le reste. Mais Richelieu avait eu le malheur de faire quelques mauvais ouvrages de théologie, et les protestants les avaient réfutés. Louis XIV, élevé, gouverné par des prêtres dans sa jeunesse, entouré de femmes qui joignaient les faiblesses de la dévotion aux faiblesses de l’amour, et de ministres qui croyaient avoir besoin de se couvrir du manteau de l’hypocrisie, ne put jamais soulever un coin du bandeau que la superstition avait jeté sur ses yeux. Il croyait que l’on n’était huguenot de bonne foi que faute d’être instruit ; et la bassesse de ses courtisans, qui, en vendant leur conscience, faisaient semblant de se convertir par conviction, l’affermissait dans cette idée.

    Ses ministres semblaient choisir les moyens les plus sûrs pour forcer les protestants à la révolte : on joignait l’insulte à la violence, on outrageait les femmes, on enlevait les enfants à leurs pères. On semblait se plaire à les irriter, à les plonger dans le désespoir par des lois souvent opposées, mais toujours oppressives, qu’on faisait succéder de mois en mois. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait eu parmi les protestants des fanatiques, et que ce fanatisme ait à la fin produit des révoltes. Elles éclatèrent dans les Cévennes, pays alors impraticable, habité par un